LA LAICITE, UNE APPROCHE HISTORIQUE

Par Christine Guimonnet
Professeur d’histoire-géographie (Lycée Paul Claudel de Laon)
Coordinatrice de la commission « civisme » de l’APHG
Responsable de la rubrique « Civisme » d’« Historiens et Géographes »

La laïcité, dont nous commémorerons le centenaire en 2005 est entrée dans les mœurs françaises. Mais elle traverse depuis quelques années une zone de turbulences réelles. On peut même la considérer comme étant en danger. La contestation dont elle fait l’objet touche, plus que tout autre domaine, celui de l’école publique.

Avant de faire le point sur la situation actuelle, nous devons nous souvenir que l’apparition du concept de laïcité fut tardive dans notre histoire, que sa mise en place fut progressive et qu’elle entraîna des fractures dans la société. Durant des décennies, si elle fut acceptée, voire revendiquée par une partie de la France, elle fut violemment rejetée par l’autre. La laïcité sortit victorieuse du conflit avec l’Eglise catholique. Car l’histoire de la France s’est longtemps confondue avec celle du christianisme catholique, le Roi, monarque de droit divin étant le lieutenant de Dieu sur terre, sacré à Reims. Là aussi, une histoire avec des conflits multiples. Cependant, ni la volonté de contrôle de la papauté par Philippe le Bel, ni l’indépendance progressive de la monarchie par rapport à Rome, ce qu’on nomme le gallicanisme, n’avaient remis en cause la primauté du christianisme à l’intérieur du royaume de France. La religion avait entraîné des fractures, que ce soit au moment des guerres entre catholiques et huguenots, de la querelle entre gallicans et ultramontains, du jansénisme ou des décisions royales aboutissant à l’interdiction de la Compagnie de Jésus.

Le problème de l’enseignement du fait religieux et le contenu du rapport remis à Jack Lang par Régis Debray devant faire l’objet de la table ronde de l’après-midi, je me bornerai simplement à préciser que le fait religieux est déjà enseigné en collège et en lycée. Cet enseignement n’est peut-être pas accompli de manière parfaite ou complète, mais avec l’érosion continue de nos horaires, nous ne saurions prétendre à l’exhaustivité…. les élèves de collège ayant perdu, depuis 1994, avec les amputations successives l’équivalent d’une année d’histoire-géographie…Ce fait religieux consiste pour l’historien à étudier (et à faire comprendre aux élèves) l’influence des religions sur l’histoire des sociétés humaines. On peut évoquer ce qui concerne les dogmes, mais dans une perspective historique. Ce qui relève de la foi pure ne concerne pas l’historien mais le théologien. Il est illusoire de penser que c’est en dispensant un enseignement supplémentaire qu’on comblera le déficit culturel de certains élèves. L’enseignement du fait religieux fait partie du cours d’histoire-géographie, du cours de littérature (quand il en reste…), du cours de musique, d’art plastiques, de philosophie…De toutes les disciplines où la religion a laissé une marque quelconque.

Nous nous pencherons rapidement sur le sens de ce mot laïcité, Pedro Cordoba ayant précisé l’essentiel dans sa présentation, avant une approche purement historique. Nous verrons enfin quels sont les défis auxquels elle est aujourd’hui confrontée. Car ce n’est pas tant l’idée de laïcité qui doit affronter les turbulences actuelles, mais les populations convaincues du bien fondé de la laïcité et qui la font vivre. Sans oublier qu’aujourd’hui, il faut compter avec l’Union Européenne : les tractations et les discussions relatives aux mentions de l’héritage religieux de l’Europe dans la future constitution européenne montrent que dans l’Europe des 25, le problème n’est pas perçu de la même manière. Certains Etats tiennent à ce que l’héritage religieux de l’Europe soit mentionné dans le texte. Il ne faudrait pas que la laïcité soit oubliée, car si notre continent a été modelé par des influences religieuses, la laïcité fait aussi partie de notre héritage.…

Première partie : Quel sens pour le mot laïcité ?

Nous utilisons fréquemment le mot « laïque » par opposition au vocabulaire religieux. Depuis la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, laïque signifie non-confessionnel, parfois même anticlérical. Mais la laïcité n’est pas l’athéisme contrairement à ce que pensent certains.

L’origine du mot se trouve dans l’antiquité : dans le bas latin laicus et le grec laikos qui signifient : qui concerne le peuple, qui appartient au peuple. Ce terme avait été choisi par les premiers chrétiens pour désigner un membre de la communauté qui contrairement au kléros n’était pas investi d’une charge (kléros a donné le mot clerc). Le laïc était un chrétien sans fonction religieuse dans l’Eglise : ni diacre, ni prêtre, ni évêque.

Le début du XXe siècle voit apparaître le terme laïcard qui désigne les militants les plus engagés dans la défense de la cause laïque.

Le concept de laïcité est à la fois large et étroit : large, il concerne les régimes respectant la liberté de conscience au sens où ceux-ci impliquent que l’Etat n’appartient pas à une partie de la population, mais à tous, au peuple en général : en grec, le laos. Il ne doit pas y avoir de discrimination en raison des choix de vie de chacun.

Etroit, il fait référence au combat contre le cléricalisme religieux de la tradition française : dans ce cas, en plus de l’affirmation de la liberté religieuse, il y a une séparation des confessions et de l’Etat. La laïcité française est souvent perçue comme une sorte d’exception. En Allemagne, par exemple, le terme même de laïcité n’existe pas dans le vocabulaire. De nombreux Etats qui garantissent la liberté de conscience et le principe de non-discrimination ignorent pourtant la laïcité au sens où nous l’entendons.

Les pères de la démocratie américaine, où les lobbies religieux jouent un rôle puissant, où la droite chrétienne dure exerce une influence non négligeable, où le chef de l’Etat affirme officiellement sa foi, ont pourtant, dès la fondation, laïcisé l’Etat fédéral en le rendant indépendant des confessions.

Pour mieux comprendre l’apparition de la laïcité, il nous faut remonter dans le passé catholique de la France, car avant la séparation des Eglises et de l’Etat, il y eut des luttes de pouvoir entre les monarques et l’Eglise. Le contrôle du souverain sur l’Eglise était un enjeu, dans la mise en place de la centralisation. Au XIXe siècle, l’école fut un autre enjeu, majeur, et elle l’est encore aujourd’hui.

Une perspective historique :

Durant des siècles le roi de France fut le roi très chrétien, souvent rival du souverain espagnol, le roi très catholique, et ne se fit pas prier pour signifier à la papauté qu’il était maître en son royaume. De nombreux exemples le montrent :
– Au début du XIVe siècle, le pape Boniface VIII exprima son hostilité face au projet royal d’instauration d’un impôt sur les membres du clergé. Philippe IV le Bel convoqua les Etats Généraux en 1302, qui approuvèrent l’attitude du souverain. Ce dernier fit arrêter le pape qui mourut en captivité. Son successeur accepta toutes les exigences du roi de France. En 1309, le pape Clément V quittait Rome pour s’installer en Avignon qui allait demeurer la capitale pontificale jusqu’en 1378.
– En 1516, le concordat (1) de Bologne signé entre François Ier et le pape Léon X ébauchait les principes d’une réelle indépendance de l’Eglise de France à l’égard du Saint-Siège. Il régla les rapports entre la France et le Saint-Siège jusqu’à la révolution. Ce texte annulait la Pragmatique Sanction de Bourges adoptée le 7 juillet 1438 par le roi Charles VII (2). Il déterminait nettement la part du roi et celle du pape dans la collation des bénéfices ecclésiastiques, supprimait l’élection pour la nomination des candidats aux archevêchés, évêchés, abbayes…Le roi présentait son candidat pour chaque poste mais le pape était libre de ne pas accepter.
– En 1673, Louis XIV se heurta au pape Innocent IX avec son droit de régale (3). Sous l’autorité de Bossuet, les évêques durent se réunir et rédiger la Déclaration des quatre articles(4). Le gallicanisme était confirmé avec éclat.

Ce qu’on pourrait considérer comme étant l’ancêtre du principe de laïcité a dans le passé monarchique connu des périodes de progrès et de régression, que l’on peut ramener à l’évolution de la tolérance religieuse. L’application ou non de cette tolérance concernait tous ceux qui n’étaient pas catholiques, qu’il s’agisse des Chrétiens considérés comme des hérétiques (les Réformés) ou bien des Juifs.

En 1598, l’Edit de Nantes constitue à son niveau un premier progrès car dans un royaume catholique, il accorde la liberté de conscience aux Protestants français dont les rapports avec les Catholiques étaient marqués par le conflit et la persécution. En 1685, sous le règne de Louis XIV, la révocation, par l’Edit de Fontainebleau, de l’Edit de Nantes marque un recul. Les persécutions reprennent, avec les fameuses Dragonnades, ne laissant le choix qu’entre les conversions forcées (avec souvent une permanence de la pratique secrète du protestantisme) ou l’exil vers les Etats allemands, la Suisse ou les Provinces Unies. Exil, qui comme avec celui des Juifs espagnols à la fin du XVe siècle, aurait de sérieuses conséquences économiques. Avec la guerre de Trente Ans, l’Europe se drape dans le dogme « Cujus regio, ejus religio ».

Les Juifs, présents dans le royaume depuis le début du Moyen Age avaient connu des périodes d’accalmie entrecoupées de persécutions, de spoliations, de massacres au rythme d’échauffements populaires.

Même avec un souverain qui, maître du pouvoir temporel, entendait exercer un contrôle sur l’Eglise, la puissance catholique constituait une entrave. La laïcité avance l’idée que l’homme est un être libre grâce à l’usage de sa raison et de son esprit critique. La religion qui relève de la foi ne doit pas inspirer les lois, ni exercer de contrôle sur le politique. On discerne bien ici les racines philosophiques des Lumières qui ont elles-mêmes inspiré les théories révolutionnaires.

Ce sont les philosophes qui remettent en cause les liens séculaires entre les pouvoirs spirituel et le temporel. Voltaire (qui se fit le défenseur de Calas et du chevalier de la Barre) et Montesquieu critiquent dans leurs œuvres l’oppression catholique. Rousseau dans « Du contrat social » expose les principes d’une « religion civile » qui voudrait concilier la tolérance religieuse et la nécessité de conserver des dogmes élémentaires qui assurent la permanence d’une morale commune dans la cité.

Mais c’est la Révolution Française qui permet un pas décisif : en 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme l’importance de la tolérance religieuse et la liberté de conscience à travers l’article 10 qui stipule que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre établi par la loi.

La Constituante accorde la liberté de culte aux Protestants et aux Juifs. Ces derniers, d’un nombre limité (entre 40 et 45 000) se divisaient en plusieurs composantes parmi lesquelles on trouvait :
– les Juifs sépharades, d’origine espagnole ou portugaise installés dans la région de Bordeaux ; leurs ancêtres avaient dû fuir les royaumes ibériques après 1492 ;
– les Juifs comtadins (région d’Avignon), protégés par le pape depuis plusieurs siècles ;
– les Juifs parisiens ;
– les Juifs ashkénazes, alsaciens et mosellans, dont beaucoup subissaient encore le ghetto et étaient exclus de certains métiers.

La France est le premier pays à accorder aux Juifs leur émancipation : le 28 janvier 1790, les Juifs de la région bordelaise et les comtadins sont concernés. Le 27 septembre 1791, la mesure est étendue à tous les Juifs français. Cette émancipation fonde l’attachement des Juifs de France à la République. Des Juifs qui appliquaient déjà le principe Dina de-malkhuta dina : la loi du royaume est la loi. (5)

La mise à disposition de la nation des biens du clergé décrétée en novembre 1789 fut votée à une large majorité. Ce fut la Constitution civile du clergé qui entraîna une conflagration.

Les révolutionnaires n’avaient pas pour objectif la disparition de la religion, seulement une réforme.

Votée par la Constituante le 12 juillet 1790, elle mettait fin au concordat de Bologne et poussait à l’extrême la volonté gallicane affichée par les rois : le clergé devenait désormais un corps de fonctionnaires devant prêter serment d’allégeance « à la nation, à la loi, au Roi ». Les prêtres se divisèrent en deux tendances, les jureurs, qui acceptèrent et les réfractaires, qui refusèrent. Le pape Pie VI condamna vigoureusement le texte, affirmant que les jureurs étaient des schismatiques, contrairement aux réfractaires, seuls habilités à demeurer au sein de la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine. Gallicanisme et ultramontanisme s’affrontaient de nouveau. Très vite, l’Ouest de la France fut en émoi. Des évêques adjurèrent leurs curés de pas adhérer à la constitution civile du clergé. La Constituante fit preuve de souplesse et de tolérance (ce qu’on oublie trop souvent) pour favoriser la réconciliation. Mais les populations restaient persuadées que la Révolution entendait leur ôter la religion, leur dernière consolation et le malentendu ne fit que s’aggraver, les membres du clergé animant la résistance cléricale en Vendée et au nord de la Loire. Des désordres insurrectionnels, qui augmentèrent après la fuite du Roi en 1792. Les prêtres se voyaient désormais accusés d’être les agents de la Contre-Révolution.

S’en suivirent, avec la proclamation de la Ière République, une laïcisation de la société avec l’état civil aux mains des maires, l’autorisation du divorce et le remplacement du calendrier chrétien par le calendrier révolutionnaire. Mais surtout une répression féroce et sanglante qui laissa des traces durables en Bretagne et en Vendée. Encore aujourd’hui, il existe quelques centaines de personnes qui rendent un culte discret et tenace aux « Blancs » (les « Bleus » étant les révolutionnaires) en Vendée, Aunis, Saintonge (Charente-Maritime), Charolais et Brionnais (Saône et Loire). Leurs ancêtres refusèrent en 1801 d’accepter le concordat signé entre Bonaparte et le pape Pie VII. Ces chrétiens sont un peu en marge de leur siècle, ni gallicans, ni ultramontains, anticoncordataires (schisme dit de la « Petite Eglise »), et anti-Vatican II.

Ils sont, dans notre société où la déchristianisation est patente, la manifestation de la force de la foi et de sa pérennité quand elle est contrariée dans son expression primitive.

Le Concordat voulait instaurer un équilibre en maintenant la liberté de conscience et des cultes, mis sur pied d’égalité, l’Etat contrôlant les cultes et leur fonctionnement.

Napoléon organisa la communauté juive en créant les consistoires (1808-1809). Mais la même année, un « décret infâme » les plaçait pour dix ans hors du droit commun. C’est la Restauration qui, en ne prolongeant pas le décret, leva les dernières restrictions pesant sur les Juifs.

La première moitié du XIXe siècle fut caractérisée par un retour en force de l’alliance du trône et de l’autel, ainsi que de l’ordre moral. Les rois appuyèrent les missions d’expiation et d’évangélisation tandis que le catholicisme était imposé comme religion d’Etat par la Restauration. Le clergé détient à l’époque un pouvoir important en matière scolaire dans le cadre de l’enseignement de l’Etat. Un diplôme du baccalauréat datant du règne de Charles X est signé par le ministre des Affaires Ecclésiastiques et de l’Instruction Publique…qui est un évêque, Monseigneur Frayssinous.

L’école commence à devenir un enjeu de premier plan.

Sous la Monarchie de Juillet, un pas est franchi en 1833 avec la loi Guizot sur l’enseignement primaire, qui stipule que l’instruction primaire est du ressort des pouvoirs publics : les communes deviennent responsables de l’entretien des écoles et des maîtres.

Sous la IIe République, la loi Falloux de 1850 répond favorablement à une demande des cléricaux avec la possibilité d’ouvrir librement une école. L’école religieuse est alors perçue comme un rempart contre le désordre social. La loi Falloux est votée dans un contexte de rupture d’avec les premiers mois de la République : restriction du suffrage, justifié par Adolphe Thiers.

Le Second Empire voit encore grandir l’influence des catholiques. La politique menée par l’empereur au moment de la construction de l’unité italienne a bien pour but de se concilier les catholiques, puisqu’il s’oppose à l’annexion des Etats du pape.

La deuxième moitié du XIXe siècle voit le développement d’un courant laïque militant, car depuis des décennies s’opposent deux systèmes de pensée et de valeurs :
– Celui hérité de l’Ancien régime, marqué par le refus des transformations révolutionnaires, et qui part du principe que l’Eglise catholique doit pouvoir exercer un rôle majeur et influencer l’Etat et la société.
– Celui hérité de la Révolution, qu’on retrouve en 1848. Les Républicains sont hostiles à l’empire. Sous la Monarchie de Juillet, Michelet dénonçait déjà l’influence de l’Eglise de Rome et les Jésuites. C’est le courant de l’esprit libéral, rationaliste, favorable à la liberté de pensée.

L’école est un enjeu majeur dans ce combat idéologique. Avec l’instauration de la IIIe République, la laïcisation de la société, l’établissement d’une morale laïque qui doit devenir une valeur commune assurant le lien social, devient un but, rendu possible par les lois qui transforment durablement le pays :
1882 : la loi du 2 mars rend l’enseignement primaire gratuit, obligatoire et laïque.

Les programmes sont laïcisés : l’instruction morale et religieuse et remplacée par l’instruction morale et civique. Jules Ferry écrivait aux instituteurs en 1883 : « L’instruction religieuse appartient aux familles et à l’Eglise. L’instruction morale à l’école. (La loi a) pour premier objet de séparer l’école de l’Eglise, d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, distinguer entre deux domaines trop longtemps confondus, celui des croyances, qui sont personnelles, libres, variables, et celui des connaissances qui sont communes et indispensables à tous. »

On reconnaît ici l’influence de Condorcet qui avait, en son temps, énormément travaillé sur l’école et la laïcité : il avait présenté devant l’assemblée Constituante, les 20 et 21 avril 1792 un Rapport et projet de décret sur l’organisation de l’instruction publique.

La loi assure aussi la liberté de conscience au sein de l’école publique qui est laïque parce que dans l’espace public, les élèves sont des citoyens en devenir, en situation d’apprentissage de la liberté, de la démocratie au moyen de connaissances émancipatrices. L’élève n’est pas encore sujet de droit, il a une autonomie limitée, il est juridiquement mineur et encore souvent intellectuellement influençable. Bien qu’ils ne faille pas prendre les cerveaux d’élèves pour des cires molles, l’élève ayant la capacité de penser par lui-même. L’école laïque permet de mener l’élève à l’autonomie de la pensée, ce qui n’est possible qu’en le dégageant pendant le temps de l’apprentissage scolaire de ses particularismes (religieux ou non religieux, ethniques, économiques sociaux..) Elle doit favoriser chez l’élève le désir de s’émanciper et non l’instinct grégaire. L’école est émancipatrice en ce sens qu’elle inculque à tous un savoir commun permettant l’apprentissage de ce libre arbitre. C’est en s’instruisant qu’on apprend à forger ses propres opinions puisque seul le savoir libère.

Tous les élèves sont différents les uns des autres mais l’affirmation de la différence doit demeurer compatible avec la loi commune.

Mais il est possible aux parents grâce à un jour de congé, d’envoyer leurs enfants au catéchisme.
1886 : la loi du 30 octobre laïcise le personnel enseignant en primaire, mais ne supprime pas la liberté de l’enseignement, puisqu’ainsi que l’a rappelé Catherine Kintzler, l’obligation scolaire impose l’existence des écoles privées.

Le principe de laïcité scolaire est complété par celui de neutralité confessionnelle de l’enseignement public. A l’époque, on voyait déjà s’affronter les conceptions de Jules Ferry et de Ferdinand Buisson. Ferry était soucieux de ne pas choquer les convictions des élèves et des familles par un enseignement qui mettrait les enfants en situation délicate entre le discours de l’école et les croyances familiales et extra-scolaires. « Parlez avec force et autorité toutes les fois qu’il s’agit d’une vérité incontestée, d’un principe de morale commune ; avec la plus grande réserve dès que vous risquez d’effleurer un sentiment religieux dont vous n’êtes pas juge.  » Une posture prudente, contraire à celle de Paul Bert et surtout de Buisson, républicain positiviste et anticlérical, grand admirateur de Condorcet. Favorable à l’école rationaliste, il soutenait que « l’école n’est pas une chose sans nom ou sans caractère. Il faut opter pour l’école rationaliste ou cléricale. Il n’y a rien entre les deux. » Buisson joua un rôle majeur dans la mise en œuvre de ces lois tout en contribuant à établir les libertés de la presse, de réunion, la liberté syndicale (1884). Il fut en outre Inspecteur général de l’Instruction Publique.

Ce débat est toujours d’actualité, aujourd’hui entre les partisans d’une école strictement laïque et les tenants d’une laïcité plurielle ou ouverte. Le tout est de savoir de quoi il est exactement question.

1905 : la dernière loi officialise la séparation des Eglises et de l’Etat. Emile Combes avait lutté de manière radicale contre les congrégations, et en 1904, 2000 écoles avaient été fermées. Combes ayant été forcé de démissionner, c’est le président du conseil Maurice Rouvier qui fait voter la loi préparée par Aristide Briand, lui-même conseillé par Jean Jaurès. Le projet de Combes était très dur et celui qui aboutit à la loi est plus souple.

L’article 4 de la loi admet les différences d’organisation interne des Eglises et la structure hiérarchique de l’Eglise catholique. Jaurès pensait qu’il fallait penser sur un long terme, en espérant une évolution interne de l’Eglise catholique qui s’acclimaterait progressivement à la laïcité. La loi prône la liberté de penser librement, le droit de penser à l’égard des dogmes et des préjugés et ne va nullement à l’encontre de la liberté de conscience ; C’est pourquoi, on ne saurait confondre la laïcité et l’athéisme.

La loi garantit le libre exercice des cultes et préserve par-là même la liberté de conscience. La République ne privilégie aucun culte et n’en subventionne aucun. Après inventaire, la gestion des biens de l’Eglise doit être attribuée à des associations cultuelles de fidèles.

Le Pape Pie X exprime son opposition à la nouvelle loi dans son encyclique «Vehementer Nos » le 11 février 1906 et interdit aux fidèles de constituer des associations cultuelles. Par contre, les protestants et les juifs acceptent la loi.

Si la loi renvoie les religions à la sphère civile en leur ôtant toute influence sur l’Etat, elle garantit tout de même certains avantages :

– L’entretien des édifices antérieurs à 1905 est à la charge de la collectivité publique qui en est propriétaire. Le curé n’est que l’affectataire du lieu de culte dont il dispose librement sauf en cas de trouble à l’ordre public. Les églises bâties après le vote de la loi sont à la charge des diocèses mais les communes peuvent intervenir dans leur financement sous la forme de garantie d’emprunts par exemple. Un avantage dont ne bénéficie pas la communauté musulmane pour la construction ou l’entretien de ses propres lieux de culte.
– Les services d’aumônerie dans les lycées publics, les prisons, et l’armée peuvent être pris en charge par la collectivité.
– Des associations loi 1901 bénéficient de subventions publiques au nom de leur participation à des tâches d’intérêt général.

Troisième partie : une laïcité en danger avec d’importants défis :

Les pères de la laïcité se plaçaient dans une logique de combat. Avec le temps, s’est installée une laïcité de droit, inscrite dans la loi et les institutions. La constitution de la Ve République précise que la France est une, indivisible, laïque, démocratique et sociale. Cependant, si la laïcité est devenue constitutionnelle depuis la IVe République, ni la constitution de la IVe, ni celle de la Vè ne définissent la laïcité.

Seuls les départements d’Alsace et de Moselle ne sont pas concernés pas la laïcité : étant allemands au moment du vote de la loi, ils sont demeurés sous le système concordataire de 1801 après leur retour dans le territoire français en 1918. La IIIe République n’a pas modifié cette situation. Pasteurs et prêtres des cultes reconnus sont rétribués par l’Etat : culte catholique, culte réformé, culte luthérien, culte israélite. Les autres religions ne sont pas reconnues en dépit des demandes réitérées de la communauté musulmane qui compte pour 3% des fidèles. Non fonctionnaires, ils sont assimilés à la fonction publique pour leur traitement et leur retraite. L’enseignement primaire vit toujours sous la loi Falloux. Des cours de religion y sont donnés et des heures d’enseignement confessionnel sont obligatoires dans le secondaire.

Dans certains TOM et DOM, des dérogations à la loi de 1905 sont acceptées.

Les défis auxquels la République est confrontée deviennent plus apparents depuis une quinzaine d’années.

En un siècle, la composition démographique de la France a changé et les flux migratoires ont apporté de nouvelles populations mais aussi de nouvelles confessions, en particulier l’islam. On retrouve en France par le biais de ces populations différents courants de l’islam mais aussi du christianisme oriental. La laïcité a justement pour avantage de de préserver la coexistence de tous sur le territoire et ce en dépit des origines ethniques et des particularités religieuses.

Or, l’Etat (quand il ne l’a pas favorisé) a laissé s’installer le communautarisme, qui devient de plus en plus gênant dans la mesure où des populations se sentent avant tout membres d’un groupe ethnique ou religieux et ce de manière quasi exclusive et n’entendent pas adhérer au concept de communauté citoyenne découlant du modèle républicain.

Cela rejaillit sur le système scolaire qui est mis à rude épreuve et où la laïcité est régulièrement contestée, de diverses façons. Le but de l’école est de rassembler, durant le temps scolaire consacré à l’apprentissage les élèves par delà leur diversité. Non de diviser, ce qu’entraînent les revendications particularistes. Des exemples exposés ci-après on ne doit pas établir une généralité, mais comme ils touchent un nombre grandissant d’établissements, ils ne peuvent donc plus être passés sous silence :
– On assiste d’abord à une multiplication des absences pour motif religieux et des demandes de dérogations. Dans son arsenal administratif, l’Education Nationale dispose de suffisamment de justifications autorisant des absences ponctuelles dans la mesure où ces dernières demeurent compatibles avec l’accomplissement des tâches inhérentes aux études et au respect de l’ordre public dans l’établissement. Dans le cas contraire, face à des absences régulières, le Conseil d’Etat peut débouter les requérants, comme avec l’arrêt Koen de 1995. Les magistrats avaient jugé que la requête de l’étudiant Jonathan Koen, inscrit en classes préparatoires scientifiques au lycée Masséna de Nice ne pouvait s’accommoder de l’absence permanente le samedi matin, à cause de l’importance des cours et des contrôles de connaissances dans le cadre de la préparation d’un concours des grandes écoles.
– Viennent ensuite les contestations du contenu des cours, pour motifs religieux ou politiques : pour motifs politiques, on verra par exemple des parents turcs se plaindre si le professeur d’histoire évoque le génocide arménien.
De plus en plus d’élèves musulmans refusent ce qui a trait à la philosophie des Lumières, les textes où on critique le rôle de la religion (Voltaire, Montesquieu) ; refusent aussi l’enseignement de la théorie de l’évolution (cours de Sciences de la vie et de la terre) ; contredisent le professeur qui fait un cours sur la civilisation musulmane …Certains garçons, les plus contestataires, sont généralement ignares en matière de religion (et de civilisation musulmane en particulier) et bien que n’ayant pour la plupart jamais lu le Coran (en ces temps où l’effort est nié, le livre est bien trop long…) ont pourtant des idées très arrêtées à propos de son contenu ou de son interprétation !
– Comme on ne veut pas entendre un enseignant parler de sa propre religion, on refuse aussi ce qui concerne l’histoire religieuse des autres : christianisme, judaïsme.
Ce qui se manifeste par un refus de faire les devoirs, de visiter une cathédrale (en ne voyant pas que c’est l’intérêt historique et architectural du bâtiment qui prime. Quelques-uns uns ont trouvé judicieux de se faire remarquer en répondant au professeur en arabe.
C’est l’enfermement et le repli dans l’ignorance et le refus plutôt que l’ouverture d’esprit grâce au savoir.

Ces rejets multiples s’accompagnent également du développement du négationnisme : après refusé d’étudier le chapitre consacré aux Hébreux, décrété que l’affaire Dreyfus n’avait aucun intérêt (c’est un Juif !), certains élèves expliquent doctement à leur professeur d’histoire, décidément très mal informé, que le génocide perpétré sur les Juifs n’a pas eu lieu, ou qu’Hitler est un sympathique personnage parce qu’il détestait les Juifs. Nos collègues se sont tus pendant un certain temps, mais dans quelques établissements, les dérives ne peuvent plus être passées sous silence.

Autre sujet inquiétant et très récent mais très peu médiatisé, l’existence au sein du nouveau conseil français du culte musulman (CFCM) installé par le Ministre de l’Intérieur, d’une commission chargée de « proposer des orientations sur l’enseignement du fait islamique destinées aux établissements scolaires ».(6)

Ni plus ni moins qu’une ingérence inadmissible qui n’est tolérée d’aucune autre religion en France. On n’ose imaginer les réactions immédiates si un texte analogue émanait de la conférence des évêques de France ! Le tollé eût été immédiat. L’enseignement d’un fait religieux dans un cadre historique ou civilisationnel ne doit en aucun cas être soumis à l’imprimatur d’une obédience religieuse quelle qu’elle soit.

Dans la même veine, il faut noter l’apparition d’un syndicat musulman, EMF (Etudiants Musulmans de France), qui revendique entre autres pour les étudiants musulmans la possibilité d’être évalués d’une manière qui prendrait en compte leur spécificité confessionnelle laquelle pourrait rejaillir sur le contenu des devoirs ! Il existe depuis plusieurs années un syndicat juif, mais qui ne s’est pas fait remarquer par des revendications religieuses à l’université, de manière à ce que les étudiants de confession juive soient traités d’une manière différente.

Mais la pratique religieuse commence à entrer dans l’enceinte scolaire.

Depuis quelques années, le ramadan a pris des proportions telles que certains collèges voient s’évaporer une bonne partie de leur population durant la période du jeûne. Des élèves tentent de réclamer la rupture du jeûne en classe. Certaines attitudes sont ouvertement provocatrices.

Il y a enfin et c’est le point le plus épineux, le problème des voiles islamiques dans les établissements. On touche là directement au problème de la neutralité. Les textes indiquent que les enseignants sont soumis à une neutralité absolue (obligation ou devoir de réserve), tandis que pour les « usagers » (les élèves, pour lequel le terme « usager » devient de plus en plus approprié, l’école étant un lieu de consommation scolaire) prévaut la liberté d’expression. Les exigences sont donc bien moins fortes, encouragées en cela par la jurisprudence contentieuse. Mais il vrai que les professeurs ont des devoirs et les élèves des droits…et ils ne se privent pas, soutenus par leurs parents, de nous le faire savoir !

Car si jurisprudence il y a, c’est parce le Ministre de l’Education Nationale de l’époque (les premiers voiles sont apparus en 1989 à Creil, au collège Gabriel Havez) a demandé un avis au Conseil d’Etat au lieu d’interdire purement et simplement le port de ces voiles dans l’enceinte scolaire. Le Conseil d’Etat communiqua son avis le 27 novembre 1989, stipulant que la laïcité impliquant le respect des croyances, il n’y avait pas incompatibilité de principe entre la laïcité et le fait de manifester son appartenance à une religion ou le fait d’arborer des signes religieux dans les établissements scolaires. L’avis précisait toutefois que si le port de signes religieux se transformait en acte de pression, de provocation, de prosélytisme, de propagande ou s’il compromettait le fonctionnement normal du service public ou pis, constituait un trouble à l’ordre public, le port de signes religieux pouvait faire l’objet de sanction disciplinaire.

Les affaires de voile (7) se sont multipliées, ont fait l’objet d’une intense médiatisation et ont généré une très importante activité contentieuse. Faute de connaître clairement et précisément la jurisprudence, des établissements scolaires se virent débouter par les tribunaux administratifs, puis par le Conseil d’Etat. Chaque affaire est différente, mais il existe pourtant des similitudes troublantes lorsque certaines filles voilées sont soutenues par des militants de l’UOIF ( Union des organisations islamiques de France, proche des Frères Musulmans), qu’on retrouve souvent le Docteur Abdallah (Thomas Milcent, médecin strasbourgeois converti à l’islam) comme conseil. Ce personnage est l’auteur d’un ouvrage paru aux éditions Intégrité, « Le foulard et la République française », qui explique aux jeunes voilées comment contourner toutes les failles de notre système législatif ! Comment n’y aurait-il pas trouble à l’ordre public, quand il y a des manifestations qui conspuent le corps enseignant et que des parents illettrés distribuent des tracts rédigés…par le Docteur Milcent ? Dans certains cas, des filles expliquent aux autres qu’elles sont de mauvaises musulmanes parce qu’elles ne portent pas le voile ! Dès qu’il y a pression, il y a trouble à l’ordre public.

Parmi les multiples affaires qui ont défrayé la chronique : les lycées Racine de Paris, Ronsard de Vendôme, Jean Moulin d’Albertville, Faidherbe de Lille, le collège de la Grand Combe (Gard)…Et plus récemment, en 2002, le lycée Léonard de Vinci à Tremblay-en-France (93) et celui de la Duchère à Lyon (2003).

Dans de nombreux cas les enseignants concernés ont l’impression d’être les seuls à défendre la laïcité, certains de leurs collègues n’en voyant pas toujours l’intérêt, isolés par une hiérarchie plus soucieuse de ne pas « faire de vagues » que de faire respecter la laïcité. Sans compter la stigmatisation de la part d’une presse jugeant réactionnaire toute référence aux règles laïques et aliénante toute décision visant à faire respecter nos lois par des populations étrangères ou d’origine étrangère vivant sur notre territoire. Les positions syndicales sont variées, mais il me semble qu’on ne peut, dans un souci de cohérence, être hostile à l’application du concordat en Alsace-Moselle et accepter le port des voiles dans les classes…

Une médiatrice travaillant à la direction des affaires juridiques a été nommée par François Bayrou. Hanifa Chérifi, d’origine kabyle, est demeurée en fonction et tente de dénouer les crises dans les établissements en rencontrant les différentes parties en présence (8). Son rôle s’est depuis étendu à tous les problèmes liés à l’islam en milieu scolaire. Elle dénonce l’activisme fondamentaliste à l’œuvre dans les banlieues, qui réislamise les jeunes gens en leur enseignant un islam totalement différent de celui de la tradition familiale ce qui accentue la coupure avec des parents, désormais stigmatisés parce qu’ils seraient de mauvais musulmans, ne pratiquant pas le vrai islam. Un mouvement comme le Tabligh est particulièrement actif. Or il ne se limite pas à de la bigoterie musulmane (chaque religion a ses « bigots ») mais prêche un discours de non-intégration, de refus des valeurs démocratiques occidentales européennes. Les adolescentes concernées affirment ainsi qu’elles ne se sentent ni françaises, ni citoyennes, ni marocaine (ou turques) mais musulmanes.

L’activisme fondamentaliste est ici en cause.

Le port du voile est lié à la religion, à une interprétation particulière, alors qu’il n’est en rien une obligation coranique. Mais on ne doit pas oublier qu’il est également, ce que le Conseil d’Etat n’a pas vu (ou n’a pas voulu voir), le signe de l’infériorité de la femme par rapport à l’homme, de sa relégation, de son enfermement. Cette inégalité est en totale contradiction avec les lois républicaines et avec tous les textes internationaux signés par la France, à commencer par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Faudrait-il, sous prétexte que les droits des femmes ont connu chez nous une progression parfois lente, tolérer que les femmes vivant sur notre territoire soient soumises à des préceptes coutumiers, religieux, sociaux archaïques ? N’est-ce pas faire preuve d’un certain mépris vis-à-vis de ces populations que de leur laisser croire qu’en raison de leur origine ethnique, de leur confession, on les laisse en marge de la loi commune ? Or le droit à la différence est second par rapport au principe d’égalité.

La laïcité est aussi mise à mal quand des conflits de communautés entrent dans l’espace scolaire, générant des propos et attitudes haineux, du racisme, de l’antisémitisme. L’élève ne sent plus élève, futur citoyen en devenir (certains ignorent même qu’ils ont la nationalité française ) mais membre d’un groupe.

Toutes ces dérives, à cause d’abandons successifs, sont graves et le pouvoir politique doit avoir le courage d’y mettre un terme, car elles conduisent vers une multiplication des fractures et une aggravation du délitement du lien social. L’école, qui essaie de son mieux de former des citoyens, est en première ligne. Elle est bien peu soutenue, les ministres successifs se contentant la plupart du temps de simples déclarations d’intention dont on ne voit jamais les effets sur le terrain.

La laïcité est l’affaire de tous, car elle est à la fois un préalable à tout enseignement digne de ce nom et la garantie de la coexistence de populations différentes. Il faut que les enseignants soient convaincus de son bien-fondé, qu’ils l’expliquent aux élèves et que tous les échelons de la hiérarchie de l’Education Nationale soient convaincus de la nécessité de son application. Et il faut également apprendre aux parents étrangers ce qu’est la laïcité.

Enfin, je ne peux dissocier dans notre société la défense de la laïcité de celle de l’intérêt général et de celui du maintien dans nos classes d’un enseignement de qualité. C’est ce dernier qui nous permet de faire de nos élèves des citoyens pourvus d’une solide culture et de l’esprit critique nécessaire à la compréhension d’un monde de plus en plus complexe.

Puisque c’est en apprenant qu’on se construit – car on ne construit pas son savoir sans avoir au préalable appris quelque chose…- c’est toute une conception de la laïcité et de l’école qui sont ici à défendre.

Notes :

1. Condordat : Convention diplomatique entre un Etat et le Saint Siège pour régler toute question pendante de leurs relations. (Jean Thiellay, « Lexique des religions chrétiennes », Paris, Ellipses, 1995)

2. Pragmatique Sanction : littéralement « ordonnance sur les affaires ». On connaît sous ce nom une série d’actes royaux ou impériaux. Celle de Bourges, de l’époque de Charles VII (7 juillet 1438) consacra les décrets de réforme du concile de Bâle, en proclamant la supériorité des conciles sur les papes, rétablissant le principe de l’élection aux dignités ecclésiastiques, réglementant les appels en cour de Rome et visant à affranchir nettement l’Eglise de France de la tutelle de Rome, en la plaçant sous celle du Prince. Le pape la refusa et Louis XI l’abolit en 1461, mais le parlement et l’Université en exigeant le maintien, Charles VIII et Louis XII la conservèrent. (Jean Thiellay, ibid.)

3. Droit de régale : Vieux droit apparu à l’époque carolingienne et consolidé au VIIIe siècle. Il permettait au roi de percevoir les revenus d’un évêché ou d’une abbaye, de nommer aux bénéfices qui en dépendaient, tout le temps qu’ils étaient vacants. Comme il ne s’appliquait qu’au nord de la Loire, Louis XIV voulut l’étendre au midi dès 1673, ce qui entraîna un conflit d’une vingtaine d’années avec la Papauté. (Jean Thiellay, ibid.)

4. Déclaration des quatre articles ou Déclaration du Clergé de France : Déclaration des droits et privilèges de l’Eglise gallicane adoptée par l’Assemblée du clergé de France réunie à Paris le 19 mars 1682. Ce texte est une sorte de charte fondamentale du gallicanisme affirmant :
a/ que le pape n’a qu’une autorité spirituelle, qu’il ne peut juger les rois, ni les déposer ni délier leurs sujets de leur devoir de fidélité
b/ que le concile général est supérieur au pape
c/ que les anciennes libertés de l’Eglise gallicane sont inviolables
d/ que le pape n’est infaillible qu’avec le consentement de l’Eglise universelle.
Le souverain pontife Innocent XI (imité par son successeur Alexandre VIII) rejeta le texte et refusa par la suite l’investiture canonique aux nouveaux prélats qui avaient voté la déclaration. Trente-cinq évêchés se trouvèrent sans titulaire. Aux prises avec la Ligue d’Augsbourg, Louis XIV fut contraint de céder en 1693 et fit prononcer une rétractation personnelle aux survivants de l’Assemblée de 1682. Les articles organiques joints au concordat de 1801 imposèrent de nouveau la déclaration de 1682 dans l’enseignement théologique officiel.

5. Dina de-malkhuta dina : Talmud de Babylone Nedarim 28a, Gittin 10b, Bava Kama 113a et Bava Batra 54b-55a. Principe de droit formulé pour la première fois par l’amora (maître de la tradition orale) babylonien Samuel (IIIè siècle avant JC) en vertu duquel les communautés juives sont tenues de respecter les lois de l’Etat même lorsqu’elles entrent en conflit avec la législation rabbinique. (Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias/Dictionnaire de civilisation juive, Paris Flammarion, 1998)

6. Le Coran s’invite à l’école, in La vie n° 2996 (30janvier 2003), pages 40-41

7. Christine Guimonnet, Le voile islamique et ses symboles, une attaque contre l’école et les valeurs de la République, in Historiens et Géographes.

Se reporter également à la bibliographie à paraître en 2003 dans la revue Historiens et Géographes (Christine Guimonnet)

8. Voir la bibliographie ci-dessous citée ainsi que la conférence d’Hanifa Chérifi devant la commission civisme de l‘APHG (janvier 2002/ Historiens et Géographes n°378, mai 2002, pages 27 à 32).

Bibliographie : La bibliographie fournie ici est assez courte, car je renvoie à celle évoquée plus haut et qui comprend un très grand nombre d’ouvrages et d’articles consacrés à la laïcité.

Revues :
Bicentenaire de l’Emancipation des Juifs de France, Notes de la Fondation Saint-Simon, synthèse de Laurence Engel, octobre 1992
Education au civisme, dossier paru dans Historiens et Géographes n° 362, juin-juillet 1998 : dossier cordonné par Aleth Briat, Hélène Chanezon, Pierre Kerleroux et Christine Guimonnet
Table ronde sur les valeurs à l’école avec Dominique Borne, Guy Coq, Jean-Michel Croissandeau, Jean Peyrot, Hubert Tison, Pierre Kerleroux et Aleth Briat
La laïcité, fondements, évolution, enjeux par Laurent Grison
Réflexions d’un prof de terrain, par Christine Guimonnet
Fait religieux, laïcité et civisme par Pierre Biard
Entretien avec Madeleine Rébérioux
Entretien avec Suzanne Citron
A suivre… par Jean Peyrot

Laïcité mode d’emploi, Hommes et Migrations n°1218, Mars-Avril 1999
Les batailles de l’Ecole, L’Histoire n° 202, septembre 1996
Laïcité, un idéal à réinventer, Le Monde de l’Education n°270, mai 1999 (invité de la rédaction : Marcel Gauchet)

Ouvrages :
Baubérot Jean, Histoire de la laïcité française, Paris, Puf, 2000
Baubérot Jean (sous la direction de), Religion et laïcité dans l’Europe des Douze, Paris, Syros, 1994
Brenner Emmanuel (sous la direction d’), Les territoires perdus de la République : Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, Paris, Mille et une nuits, 2002
Collectif (sous la direction d’Alain B.L. Gérard), Permanence de la laïcité en France et en Europe, Privat, 2001
Condorcet, Cinq Mémoires sur l’Instruction Publique, Paris, Garnier-Flammarion, 1994
Coq Guy, Laïcité et République : le lien nécessaire, Paris, Le Félin, 1995
Coutel Charles, Condorcet, Instituer le citoyen, Paris, Michalon, 1999
Coutel Charles, Que vive l’école républicaine !, Entretiens avec Philippe Petit, Textuel/Conversations pour demain, n° 14, 1999
Coutel Charles, La République et l’Ecole, Paris, Agora, 1991
Delafaye François, Laïcité de combat, laïcité de droit, Paris, Hachette Education, collection « Former, organiser pour enseigner », 1997
Haarscher Guy, La laïcité, Puf, Que sais-je ? n° 3129, 1996
Hayat, Pierre, La passion laïque de Ferdinand Buisson, Paris, Kimé, 1999
Hayat Pierre, La laïcité e t les pouvoirs, pour une critique de la raison laïque, Paris, Kimé, 1998
Jelen Christian, La France éclatée ou les reculades de la République, Paris, Nil, 1996
Pena-Ruiz Henri, La Laïcité, Paris, Flammarion, collection Dominos n° 183, 1998