Perspectives d’évolution des rapports de l’école et du monde économique face à la nouvelle révolution industrielle

SOMMAIRE
1° Avis adopté par le Conseil économique et social : le présent fichier
2° Rapport présenté au nom du Conseil économique et social par M. Jean Andrieu :
CHAPITRE Ier. – LA LONGUE MARCHE DES IDEES ET DES SIECLES
CHAPITRE II. – QUARANTE ANS POUR CHANGER
CHAPITRE III. – L’ETAT DES LIEUX
CHAPITRE IV. – DES QUESTIONS POUR DES PERSPECTIVES
CHAPITRE V. – LES PERSPECTIVES EN QUESTION
ANNEXES AU RAPPORT :
CSP/maternelle
Tableau du financement
Système dual allemand


Avis adopté par le Conseil économique et social

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Le 8 janvier 1985, le bureau du Conseil économique et social a confié à la section des Affaires Sociales la préparation d’un rapport et d’un avis sur les perspectives d’évolution des rapports de l’école et du monde économique face à la nouvelle révolution industrielle.
La section a désigné M. Jean Andrieu comme rapporteur.

I. – UN MONDE ECONOMIQUE EN PLEINE MUTATION

 » Après les saisons du dogme et de la répétition, revient une fois encore le temps de l’invention… « . Cette réflexion du Président de la République, François Mitterrand, souligne en quelques mots combien la troisième révolution industrielle, celle de l’électronique, de l’ordinateur, des nouvelles technologies, déjà installée au coeur même des sociétés industrielles en crise, c’est-à-dire en mutation, bouleverse, sans doute plus encore que celles qui l’ont précédée, la plupart de nos modes de production, d’échanges, de communication, et appelle donc de nouvelles réponses à des besoins nouveaux de formation et de qualification.
C’est la  » révolution de l’intelligence  » qui assaille aujourd’hui l’ensemble des sociétés développées, et commande  » d’entrer dans l’avenir autrement qu’à reculons  » !
Dès lors, et tandis que se fissure de toutes parts l’organisation taylorienne du travail, et que le chômage massif des jeunes et des moins jeunes installe dans une marginalisation durable et cruelle plus d’un dixième de la population active, les regards inquiets et impatients se tournent soudain vers l’école et la formation comme si pouvait en surgir spontanément quelque miraculeuse panacée !
En fait le contexte technologique nouveau, dans lequel s’inscrivent désormais les activités de production et de service, bouleverse sous nos yeux la conception et l’organisation même du travail.
Celui-ci, devenu denrée périssable et changeante s’apprête tout à la fois à changer de site, de nature, d’outils, de bras, de sueur, d’exigences et s’installe dans le mouvement, le flexible, l’éphémère, l’incertain, le complexe…
En un mot ce n’est plus seulement le statut professionnel établi et reconnu que menace la mutation du travail, c’est l’idée même de l’identification personnelle à une activité typée qui est en question.
Plus encore le partage traditionnel du temps formation/travail se trouve remis en cause. Travail et formation se côtoient, s’entremêlent, comme s’ils étaient désormais inéluctablement voués à être partenaires indissociables dans ce nouveau « pas de deux  » des économies modernes.
Aujourd’hui, après le  » travail en miettes  » du taylorisme triomphant, voici venu le temps des miettes de travail en guise de perspectives pour tous ceux et toutes celles qui n’auront pas reçu l’onction des formations et des qualifications suffisantes.
C’est dire combien l’investissement immatériel que constituent pour chacun éducation et formation est désormais au centre des stratégies du futur.
Ce qu’attendent aujourd’hui les professionnels des stratégies de formation, c’est qu’elles soient susceptibles de favoriser par delà la seule maîtrise indispensable de connaissances techniques actualisées, des attitudes d’esprit et des comportements tels, qu’ils soient en mesure de faciliter l’adaptabilité, le goût de la relation et du travail en équipe, le sens de la responsabilité, l’implication personnelle, la mobilité, l’aptitude à la conceptualisation, à la compréhension globale des données, le sens de la communication, la claire conscience de l’importance stratégique de la  » qualité totale  » et donc la volonté d’y souscrire pleinement.
Cela conduit inévitablement à exiger partout des niveaux de formation initiale plus élevés (inflation nette de la demande vers les niveaux IV et III) et déjà les constats établis laissent craindre que l’on s’engage par là dans une sorte de cercle infernal qui inlassablement enroule en autant de couches concentriques, précarité du travail non qualifié, course aux diplômes, dévalorisation de ces derniers et débouchés non gratifiants des certifications acquises !
En fait dans la plupart des secteurs d’activité ce sont les apports d’aptitudes transférables procurées par la formation générale qui semblent aujourd’hui particulièrement prisés. Cette formation générale recouvre l’ensemble des apports disciplinaires et des démarches méthodologiques concourant à l’organisation de la pensée logique, développant le sens critique ainsi que l’aptitude à opérer des choix pertinents à partir d’un ensemble de données. C’est dire qu’elle doit plus encore qu’hier s’ouvrir aux composantes technologiques, scientifiques, commerciales même de la culture de notre temps et privilégier l’usage des outils modernes de la communication et de l’échange.
Tout semble se passer comme si les filières de formation attendues devaient tout à la fois, et ce dans les secteurs aussi divers que ceux de la banque, du commerce, des services, de l’agriculture, de la production industrielle ou artisanale privilégier l’approche conceptuelle et se pénétrer d’une culture technologique effective faisant largement place à de réelles interactions école/terrain.
Enfin, s’il était permis de souligner d’une insistance particulière l’attente la plus inlassablement répétée, ce serait sans conteste à l’encontre de la communication qu’il conviendrait de le faire.
Communiquer devient le maître mot de la stratégie du futur. Il suppose une maîtrise conjointe des concepts et de la langue, une agilité de l’esprit conduisant à vite percevoir l’essentiel, bref un très vaste partage de l’aptitude à l’analyse, à la synthèse, à la réflexion, autant de composantes de l’intelligence créatrice et innovante.
L’homme relationnel prend sous nos yeux la relève de l’homme unidimensionnel qu’assignaient à résidence de servitude les cruelles entraves du travail taylorien. C’est la diversité moderne de la médiation, de l’interdépendance, de l’autre et de l’autrui : homme, être, machine, énergie ou matière qui interpelle désormais l’intelligence novatrice des sociétés en marche.

II. – UN SYSTEME EDUCATIF EN QUETE DE RENOUVEAU

Pleinement conscient de ces réalités tout autant que des attentes légitimes d’un monde économique confronté aux rudes enjeux de la loi du marché, le Conseil économique et social n’en reste pas moins attentif aux espoirs tout aussi légitimes d’insertion sociale et professionnelle réussie de ces dizaines de millions de jeunes qui vont constituer dans les quinze ans qui viennent l’énergie nouvelle du pays.
L’école et la formation sont pour eux plus que jamais le chemin nécessaire.
En effet, force est de constater que les difficultés premières d’insertion des jeunes dans l’activité économique sont d’autant t plus grandes et durables que les niveaux de formation sont faibles, insuffisants ou jugés inadaptés aux réels besoins de qualification avancés par la profession.
Tout se passe donc comme si c’était en termes préalables de réussite ou d’échec scolaires que se traduisent les chances d’une insertion professionnelle réussie, même s’il est loin d’être établi que le diplôme puisse à lui seul garantir un emploi et éviter le chômage ; ce qui est particulièrement évident pour les femmes.
Certes, le débat est controversé tant le concept de réussite est lui-même difficile à cerner, mais sans pour autant méconnaître la nature et l’ampleur des évolutions et des progrès qui ont marqué la longue marche de l’école au cours des quarante dernières années, le Conseil économique et social ne peut ignorer l’importance des obstacles qui tiennent encore à distance de l’école des réussites un pourcentage trop important de chaque classe d’âge !
Mais il entend aussi prendre acte des réussites non négligeables à porter au crédit de l’institution scolaire. Il est déjà vrai que nous sommes contemporains des générations les mieux scolarisées de notre histoire. Il est vrai que rapporté à l’ensemble de la population, le niveau des connaissances et des qualifications n’a jamais été aussi élevé. Cela ne veut pas dire que la réussite de l’institution soit exemplaire. Cela veut dire que bien loin de baisser, le niveau moyen de connaissance de la population française s’élève lentement et que le taux de non diplômés dans la population active est en baisse régulière (67,7 p. 100 en 1968, 50 p. 100 en 1985).
Cela ne suffit point à apaiser les craintes du Conseil économique et social soucieux pour l’avenir de voir enfin l’école procurer à chacun connaissances et qualifications susceptibles d’autoriser une insertion professionnelle correcte.
En effet, échecs de l’école et échecs à l’école conjuguent leurs effets pervers au point de menacer de disqualifications durables quelque 200 000 jeunes chaque année !
Aussi, le Conseil économique et social ne peut-il que s’inquiéter de l’importance des dysfonctionnements ou des difficultés qui conduit à placer l’école française dans les tous premiers rangs en matière de redoublements !
Sensible sur ce point aux travaux faisant apparaître combien le redoublement est intériorisé, notamment par l’enfant jeune, comme un signal de régression et une manière de rupture avec le désir mimétique d’acquisition et d’appropriation du savoir, le Conseil économique et social s’étonne du peu d’empressement mis à rechercher et à mettre en oeuvre les voies et les moyens de nouvelles modalités d’aide et de soutien personnalisés, appelés à se substituer à la pratique fourre-tout du redoublement-couperet.
Renvoyer en effet sur la ligne de départ celui qui n’a pu franchir la haie sans lui proposer rien d’autre qu’un nouvel essai dont on n’aurait même pas su affiner la technique, c’est proprement le condamner au fatalisme de la haie et le laisser en deçà de l’obstacle. L’école de l’échec trouve là tout à la fois son fondement et sa pérennité.
Chaque année un écolier sur dix, un collégien sur huit, un lycéen sur six, un étudiant sur trois paient ainsi le lourd, le mutilant tribut de l’échec, du redoublement, du découragement, du renoncement.
Chaque année, il est possible d’estimer à plus de 25 milliards de francs le seul coût des redoublements pour le seul ensemble de ceux et de celles qui du cours préparatoire parviennent aux classes terminales des seconds cycles.
Chaque année, quelque 200 000 élèves quittent l’école sans que leurs années d’études aient été sanctionnées par un diplôme ou une qualification reconnue. Le montant des dépenses consacrées à ces formations non valorisées au regard des critères de réussite du système éducatif peut être estimé approximativement à 60 milliards de francs.
Il est vrai que pour ces jeunes, dont une part importante s’oriente vers l’apprentissage, un tel investissement recouvre, par delà les échecs qu’il enregistre, mais aussi les rattrapages, les ajustements et les prolongations de scolarité qu’il a autorisés, une multitude de savoirs et de savoir-faire disparates, certes insuffisamment maîtrisés aux yeux de l’institution mais qui n’en constituent pas moins le capital fragile mais bien réel avec lequel ils vont devoir tenter la difficile aventure d’une insertion sociale et professionnelle réussie.
Chaque année, les prolongations de scolarités constatées dans les formations supérieures sont à l’origine de surcoûts qui peuvent être estimés pour les seuls premiers cycles des universités à près de 2 milliards de francs.
Enfin, il conviendrait en outre de tenir compte des sommes qui sont employées chaque année (plus de 4 milliards de francs en 1985) pour tenter de doter de qualifications la trop longue cohorte de ceux et de celles qui au-delà de 16 ou 18 ans ont aussi à espérer en de nouvelles chances d’insertion professionnelle.
Aussi, pour le Conseil économique et social, l’urgence nationale et la priorité des priorités est bien de s’efforcer sans répit de corriger les errements d’un système qui engendre tant et tant de malfaçons coûteuses et redoutables, car ce n’est pas le prix du savoir qui est trop élevé, mais bien celui de l’échec qui est trop lourd !
Le Conseil économique et social souligne avec force que le meilleur investissement à réaliser et réalisable est celui qui s’emploiera à réduire partout la disqualification de la jeunesse de ce pays.
Il appelle donc de ses voeux la mise en oeuvre de politiques nouvelles, réalistes et volontaristes aspirant obstinément à venir à bout de l’échec des jeunes, cet ennemi public n° 1 de notre système éducatif.

III. – CONSENSUS POUR UNE PRIORITE

Le Conseil économique et social n’a cessé de souligner, dans la diversité de ses avis, l’importance qu’il convenait d’attacher aux problèmes de formation dans les secteurs les plus divers.
Mais une société n’a jamais que l’école qu’elle mérite, c’est-à-dire celle qu’elle se donne, qu’elle encourage à l’innovation ou à l’inertie, à la reproduction complaisante des modèles culturels et du partage établi des savoirs et des pouvoirs ou tout au contraire à l’émergence de nouveaux rapports aux savoirs et aux savoir-faire dans la dynamique ambitieuse d’une meilleure démocratie économique, politique, sociale et culturelle.
Si le décalage est partout ou presque observable entre les besoins présumés de l’économie, les aspirations sociales et culturelles et les réponses tardives et trop souvent inadaptées des systèmes de formation, le  » plus  » de l’école est quasiment visible partout tant il a su multiplier les connaissances, les compétences, les savoir-faire et favoriser cette  » montée de conscience  » qui rend nos démocraties si précieuses.
Aujourd’hui, l’enjeu se fait à ce point plus pressant que les pouvoirs qui se succèdent en arrivent à user des mêmes mots pour avancer des objectifs identiques -.  » 80 p. 100 d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat en l’an 2000 !  »
Le Conseil économique et social ne peut que se réjouir de voir ainsi se rejoindre par delà de stricts clivages politiques des engagements manifestant une certaine  » majorité d’idées « . Encore faudrait-il que celle-ci puisse concrètement et durablement faire prévaloir l’impératif absolu de choix prioritaires et cohérents visant en matière de politique éducative à multiplier en chacun l’excellence diversifiée des savoirs et des savoir-faire.
Il est impératif en outre que la perspective de conduire 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat en l’an 2000 ne permette en rien de laisser se marginaliser les 20 p. 100 restant.
Education et formation peuvent être une réponse aux besoins de la société technologique qui est la nôtre, si la politique qui les inspire parvient à se garder des a priori idéologiques de discrimination et de relégation qui ont tenté, des décennies durant, de contenir la demande sociale de formation et de préserver le partage établi des savoirs et des pouvoirs.
En réaffirmant aujourd’hui sa volonté de voir corriger profondément au sein de l’école – et donc de la société – échecs et injustices, discriminations et inégalités, gâchis mille fois constaté d’énergie, de ressources, de chances, d’intelligence, le Conseil économique et social entend souligner son attachement à cette mission impérative de l’école de faire émerger en chacun, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne et quelle que soit sa personnalité, des savoirs organisés, des connaissances maîtrisées, des méthodes de pensée et donc des aptitudes à apprendre, à comprendre, à choisir, à communiquer, à entreprendre.
Le Conseil considère que s’accorder sur de telles ambitions et placer ainsi au rang des priorités nationales la formation qualifiante de la jeunesse, c’est véritablement bâtir l’entreprise France du futur.
C’est pourquoi il souligne l’urgence et la nécessité d’inscrire la mission éducative de l’école au sein d’un profond consensus national.
Pour l’école, qui fut des décennies durant au centre d’affrontements douloureux, l’heure n’est plus aux déchirements, mais bien à la paix scolaire préservée, autorisant la mise en oeuvre d’une réelle volonté collective de transformation et de modernisation de la mission impartie au système éducatif français.
Dès lors le Conseil économique et social propose qu’une charte éducative, installant dans la permanence d’une priorité absolue les grands objectifs nationaux de formation, soit arrêtée dans le cadre d’une loi de programmation ou de plan, après que se soit largement exprimé et amplement concerté l’ensemble des organisations et des partenaires concernés.

IV. – PERSPECTIVES POUR DEMAIN

A. – LE DEFI
Parce qu’elle reste un passage obligé, l’école peut être une réponse ouverte, offerte aux besoins de la société technologique qui est la nôtre et de tous ceux et toutes celles qui la peuplent.
Education et formation rassemblent l’essentiel du défi que nous conduisent à relever les besoins criants de qualification et de compétence, de lucidité et d’esprit critique qu’avancent les économies développées.
N’est-ce pas dire fortement que par-delà la diversité des origines et des statuts économiques et culturels, l’école d’une démocratie a vocation à reconnaître en chacun le droit inaliénable à conquérir qualification et compétence et a donc le devoir de multiplier et de diversifier ses efforts en direction de tous ceux et de toutes celles que menace de disqualification précoce le partage trop étroitement mesuré des savoirs et des pouvoirs.
On pourrait être tenté de croire que la réponse à un tel défi est d’ores et déjà quelque part installée dans la vaste diversité des systèmes éducatifs étrangers.
Le rapide tour d’horizon effectué dans le cadre de ce rapport a permis de constater tant en Europe qu’ailleurs : – une extrême diversité des stratégies de formation ; – une inadaptation quasi générale des systèmes éducatifs aux réalités changeantes des systèmes économiques ; – une tendance à rechercher à partir des mesures ponctuelles prises ici et là pour tenter de répondre aux besoins urgents d’insertion sociale et professionnelle des jeunes sans qualification, de nouvelles voies de formation en alternance mieux élaborées et plus durables pour tout ou partie des systèmes éducatifs ; – une réelle prise de conscience des interactions désormais inéluctables entre l’école et le monde du travail ; – une réelle difficulté à maîtriser les processus d’orientation et à gérer les flux démographiques ; – une incapacité manifeste à dispenser des formations qualifiantes à l’ensemble des publics concernés. Seul sans doute le système allemand parvient à échapper en partie à cet ensemble de griefs, mais il n’est point sûr qu’il soit transposable en l’état, tant il est vrai que les structures éducatives s’enracinent toujours dans l’histoire politique, économique, culturelle et sociale des nations qui les sécrètent.
Quoi qu’il en soit, le défi qu’incite à relever l’objectif annoncé visant à porter  » 80 p. 100 d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat en l’an 2000 « , – et surtout du baccalauréat de l’an 2000 – impose d’impulser un réel renouveau aux stratégies de formation de l’école tout entière.
Or changer l’école, c’est avant tout changer de regard, de discours, de pratiques, de comportements, de mentalité !
A la base d’une telle stratégie, une idée simple, trop simple sans doute, à savoir que rien ne changera vraiment dans l’école si l’ensemble des acteurs et des décideurs concernés ne devient pas vraiment partie prenante des évolutions à impulser. Il s’agit, certes, d’arrêter quelques choix essentiels et de s’y tenir, mais à l’évidence il s’agit moins de décréter que d’inciter, d’inviter, d’encourager partout chacun à de nouvelles pratiques et de nouvelles attitudes.
Relations au savoir et relations aux autres (enfants, parents, collègues, partenaires économiques et sociaux …) sont au coeur du changement à conquérir.
Il ne servirait en effet à rien d’avancer ici des perspectives de rapports nouveaux entre l’école et le monde économique si au sein même de l’institution devait interminablement subsister cette dangereuse ankylose d’initiatives, d’innovations, d’implications qui chaque jour davantage laisse croire à l’inévitable décadence des missions de service public de l’éducation nationale visant à multiplier en chacun qualifications et compétences.
Dans le même esprit et sans pour autant prétendre ajouter ici un codicille aux rapports du Conseil économique et social sur les rythmes scolaires (janvier 1979 : organisation des rythmes scolaires et aménagement général du temps. Mai 1980 : les rythmes scolaires – la semaine – la journée – la séquence horaire), notre assemblée ne peut que souligner combien il paraît aujourd’hui essentiel d’intégrer les nouvelles approches des chronobiologistes et des pédiatres en matière de rythmes de vie et de rythmes scolaires à toute nouvelle réforme du calendrier des activités scolaires.

B. LA QUALITE POUR L’ECOLE
Lutter contre l’échec scolaire et accroître jour après jour l’efficacité réelle des pratiques de l’école, c’est bel et bien entrer dans une ambition nouvelle de  » qualité totale  » pour l’école tout entière !
Au sein du monde économique, l’ordonnance désormais bien connue des qualiticiens : « zéro défaut, zéro panne, zéro délai, zéro stock, zéro mépris  » est aujourd’hui très largement prescrite, et ne saurait se résumer à la seule mise en oeuvre des  » cercles de qualité « .
Le Conseil économique et social, conscient du risque d’une telle réduction, demeure sensible à l’importance de l’enjeu et donc à cette stratégie de  » qualité totale  » qui, par-delà le seul champ des entreprises de production ou de services, peut aussi conduire à transformer sensiblement les pratiques habituelles de l’école ! Nul ne songe ici, et on l’aura bien compris, à mettre ainsi soudain l’école elle-même sous la coupe réglée des attentes immédiates des entreprises, mais nul ne peut pour autant davantage accepter de la condamner plus longtemps à la coupable ignorance des réalités du monde du travail et des enjeux du monde économique.
C’est pourquoi le Conseil économique et social entend assortir de propositions et de recommandations précises intéressant l’ensemble des divers ordres d’enseignement sa volonté de voir se dégager des perspectives nouvelles d’évolution des relations entre l’école et le monde économique face aux avancées constatées de la troisième révolution industrielle.
1° L’école première
a) L’école maternelle
S’il est une école qui a fait ses preuves, c’est bien celle-ci ! Pour l’essentiel, le bien-fondé de ses choix éducatifs a prévalu et chacun s’est plu à célébrer la pertinence de démarches et de méthodes ancrées dans la  » pédagogie de la confiance « , attentives donc à l’enfant-sujet tout à la fois épanoui et construit par la pratique du jeu éducatif dans une société de pairs favorisant une réelle sociabilité.
Le Conseil économique et social se plaît à saluer la pérennité d’un tel succès qui le conduit d’ores et déjà, compte tenu de la réelle influence exercée par la durée même de la fréquentation de l’école maternelle sur la réussite scolaire future des enfants, à préconiser la mise en oeuvre, d’un vaste plan de développement des écoles maternelles certes d’abord en milieu rural, mais aussi en milieu urbain, ainsi que la reprise des efforts entrepris – et trop vite interrompus – afin de permettre partout un accueil plus large et mieux adapté des enfants de deux à trois ans.
b) L’école élémentaire
L’école élémentaire a su d’ores et déjà accroître en bien des domaines l’efficacité de ses méthodes.
Il y a moins de vingt ans, près du quart d’une classe d’âge redoublait encore le cours préparatoire. Aujourd’hui ce taux a chuté de moitié, mais reste encore redoutablement excessif ! Tout se passe encore en effet comme si parce que l’on a soudain six ans, le pas cadencé de l’école des grands devait en tous points prévaloir sur la réalité de l’enfance !
Nul n’oublie ici, et le Conseil économique et social moins que quiconque, ce qu’il est essentiel d’apprendre, de comprendre, de retenir, de savoir faire. En tout état de cause l’utilisation des nouvelles technologies doit aider les enfants dans l’indispensable acquisition des connaissances de base. Mais est-il sérieux de s’obstiner en cette imposture manifeste qui consiste à concevoir la stratégie de la conquête des savoirs comme si  » toutes choses étant égales par ailleurs « , il suffisait de placer chacun sur la même ligne de départ.
L’institution-école semble se complaire en cette hypocrisie. Son égalitarisme formel et simpliste, persiste à se fonder sur un non-sens. Ainsi, et en dépit des efforts ici ou là entrepris, la course, faussée d’avance va parvenir à demeurer au centre de l’activité fébrile de l’école. Il faut faire vite et apprendre à lire en six mois : les parents l’attendent, bien des collègues l’exigent et si les instructions elles-mêmes disent aujourd’hui le contraire, qu’importe, le terrain commande de passer outre ! L’impatience est partout, car à l’autre bout il y a le grand drapeau du juge.
Comment ne point s’émouvoir d’une telle précipitation, d’un tel semblant d’aveuglement, et de marche forcée vers une sorte d’indifférence aux diversités ?
Le Conseil économique et social estime qu’il est grand temps de dire non à l’uniformité. Grand temps de récuser cette normalisation aberrante des apprentissages qui, dès la première année de l’école élémentaire, met quasiment hors jeu un enfant sur dix !
Qu’en cent cinquante-huit jours et moins de mille heures de. classe, l’école de notre démocratie disqualifie quasiment 10 p. 100 d’une classe d’âge, voilà qui ne peut qu’alarmer le Conseil économique et social et le conduire à recommander une tout autre stratégie de formation.
Ce dont il s’agit c’est bien de tenter de s’approcher autrement d’une véritable pédagogie différenciée, et donc de ne plus s’en tenir à la gestion uniforme du groupe classe.
Le Conseil estime qu’il convient de multiplier, à partir des observations et des évaluations étalées, les occasions de diversifier la mise en oeuvre quotidienne des objectifs que l’on se propose d’atteindre.
La société qui vient, commande de multiplier en chacun l’intelligence des langages, des savoirs et des savoir-faire, tout autant que la lucidité du jugement dans un ensemble d’incertitudes.
Pour le Conseil économique et social c’est l’école  » différentielle  » qui multiplie les vraies chances des élèves en difficulté, non celle de l’égalité formelle, hypocrite et trompeuse qui instille sans en avoir l’air le subtil poison de la paralysie culturelle et de l’exclusion sociale !
Différences et diversités peuvent peupler d’excellences ignorées les grands parcours de l’école. Cela exige bien sûr, et le Conseil entend le souligner, que chacun se détache de cet appétit farouche d’élitisme prématuré qui dénature profondément la mission même d’une école démocratique.
C’est le pari collectif sur l’intelligence aux mille facettes, à débusquer et à élargir en chacun, qui est aujourd’hui nécessaire, qui est pour demain indispensable. Il y va du droit imprescriptible de chacun à la connaissance, à la qualification qui doit mener au travail qualifié, à la citoyenneté lucide et exigeante qui reste la marque des démocraties courageuses.
Le Conseil économique et social mesure bien qu’il s’engage ainsi dans une manière d’apologie de la rupture avec le multiséculaire rituel de la ventilation par âge.
C’est pourquoi, soucieux de voir s’engager dès l’école première une véritable stratégie de qualité totale, il préconise de privilégier dans un premier temps le renforcement de l’équipe pédagogique au niveau du palier des apprentissages premiers, à savoir grande section d’école maternelle, cours préparatoire et cours élémentaire première année.
La mise en place progressive de quatre enseignants pour chaque ensemble de ces trois niveaux, favoriserait tout à la fois l’étalement si nécessaire des apprentissages et le suivi si souvent souhaité maternelle-cours préparatoire.
Le Conseil économique et social ne méconnaît pas l’importance de l’effort de création de postes qu’il conviendra de consentir dans les quinze ans qui viennent pour renforcer de la sorte ce palier capital des apprentissages premiers (+ 30 000 environ).
La bataille contre l’échec disqualifiant est aujourd’hui plus que jamais une mission de salut public.
Le Conseil estime qu’une telle stratégie de compensation et de vigilance précoce doit conduire, à terme à bannir le redoublement et donc à intervenir sans délai dès que sont constatées difficultés ou déficiences particulières.
Le Conseil économique et social sait que cela va supposer bien des efforts d’adaptation et exiger de nouvelles pratiques : meilleur étalement des apprentissages, démarches permanentes d’observation et d’évaluation attentives, diversification d’aides personnalisées, volonté collective et obstinée de colmater partout dès qu’elles apparaissent les brèches menaçantes du renoncement et de l’échec.
Il n’en préconise pas moins un réel changement de cap, de pratiques, d’habitudes, de mentalités :  » Nous sommes trop pauvres, pour nous permettre d’être en retard  » !
2° La route du collège
L’objectif, on l’aura bien compris, est bien de conduire à terme l’ensemble des jeunes jusqu’au bout de la route, celle qui mène au carrefour des déterminations, après un cheminement qui, pour être divers, doit se garder d’être ségrégatif, discriminant, habité qu’il doit être de cette incessante vigilance visant à détecter et à combler dès qu’elles apparaissent les moindres difficultés.
La qualité pour l’école concerne en effet tout autant la route du collège qui n’est rien d’autre que le prolongement du chemin déjà parcouru.
Pour autant, la continuité ne saurait être la similitude. Qu’à l’issue de l’école patiente, attentive, différentielle, base incontournable de l’organisation méthodique et de la maîtrise réelle par chacun des savoirs instrumentaux, il y ait ainsi à accomplir le nouveau pas du collège, et donc la poursuite dans un  » ailleurs  » de connaissances élargies, de l’effort engagé, voilà qui ne devrait pas inquiéter si la continuité de la démarche, de la vigilance, de l’aide personnalisée, et de l’ajustement des objectifs prolonge les semailles de l’amont.
Le Conseil économique et social estime que la pause démographique qui va entraîner presque partout une baisse des effectifs des collèges doit être pleinement utilisée pour accroître à moyens constants l’efficacité des enseignements dispensés.
Pour le Conseil économique et social, le, collège démocratique vigilant et obstiné est bien celui du plus grand nombre. Il n’est ni un parcours chronométré, ni un  » parcours du combattant  » mais bien le lieu privilégié de la rencontre  » assistée  » avec les savoirs et les savoir-faire ordonnés.
Tout autant que l’étape précédente, il est aussi le lieu de l’apprentissage insistant de l’effort personnel.
Voilà bien que pointerait presque par là une manière de plébiscite en faveur de la pédagogie de projet et de cette manière de stratégie de contrat de réussite rassemblant en une relation nouvelle aux savoirs et aux autres, enseignants et enseignés.
Mais le collège, pour multiplier pleinement les apports aujourd’hui indispensables d’une réelle culture technologique, doit aussi s’ouvrir largement aux réalités économiques et technologiques de son milieu de vie.
Le Conseil économique et social considère qu’il serait précieux d’inclure dès les premières années du collège des occasions répétées de contacts et de découvertes avec l’extrême diversité de l’environnement économique et social. Par là pourrait utilement se fortifier et se diversifier cette approche du réel que favorise déjà la pratique des jumelages  » école/entreprise « . De véritables séquences éducatives, conçues et organisées conjointement par l’équipe éducative et le monde professionnel, pourraient ici trouver place et contribuer à éclairer judicieusement les choix d’orientation et les projets professionnels des jeunes. On peut s’effaroucher de telles perspectives, dire et redire que l’école ce n’est pas encore la vie, qu’il y faut la distance et comme le glacis de cet espace protégé où apprendre à savoir exige qu’on ne soit point trop prématurément au coeur des turbulences. Nul ici ne le nie, mais cela n’autorise en rien que l’on prolonge cette manière de tragique  » colin-maillard  » qui laisse entrer à l’aveuglette, chaque année, plusieurs centaines de milliers de jeunes soit dans la vie dite active, soit dans des filières de formation dont ils méconnaissent tout à la fois les exigences et les perspectives !
Pour le Conseil économique et social, c’est en fait toutes les pratiques actuelles de l’orientation par l’échec qu’il convient de remettre en cause.
En effet, dans les perspectives qui sont les siennes et qui visent à conduire l’ensemble des jeunes à une insertion sociale et professionnelle réussie au sein d’une société technologiquement avancée, l’orientation ne peut se réduire à un strict jugement de conformité aux seules normes scolaires tenant lieu de verdict.
Dans l’évolution attendue, mettant en oeuvre la stratégie patiente et exigeante de la qualité de l’école pour chacun, le Conseil économique et social estime qu’à terme le libre choix des voies de détermination qualifiante doit être reconnu à chacun.
C’est donc vers la formulation d’un conseil explicite d’orientation, prenant en compte certes les avis dès lors mieux fondés des enseignants eux-mêmes, mais aussi les perceptions venues d’ailleurs et notamment des conseillers d’orientation, des familles et des partenaires divers du monde du travail qui au cours des séquences, entretiens, rencontres et autre modes de coopération pourraient avoir à faire valoir des points de vue complémentaires, qu’il conviendrait progressivement de s’engager.
Dans l’évolution envisagée, ce serait la tâche des conseillers d’orientation – qu’auraient plus que familiarisés avec les réalités économiques des responsabilités exercées dans le monde du travail – que de prendre en compte l’ensemble des données recueillies et de proposer à l’équipe éducative, au jeune concerné et à ses parents telle ou telle pente de formation qualifiante.
3° Les voies de détermination : les seconds cycles
Pour le Conseil économique et social les évolutions attendues au travers des mutations observées de la nature et de l’organisation du travail conduisent à tenter de concilier, autrement qu’en une juxtaposition de filières quasiment étanches, besoins de formation générale et connaissances technologiques.
Chacun se plaît à souligner que l’aptitude à concevoir, communiquer, à produire, à commercialiser passe aujourd’hui par une solide organisation de la pensée logique, une maîtrise affirmée de la langue écrite et parlée, une réelle compétence scientifique et technique, une pratique aisée des langues étrangères et notamment de l’anglais.
En regard de tout cela, l’état actuel de nos seconds cycles long ou court ne manque pas d’être préoccupant.
Conscient de l’importance que revêt dans l’ensemble des activités de production ou de service l’inter-activité dynamique entre le savoir et le faire au travers de la problématique qui les lie, le Conseil économique et social ne peut qu’insister sur la nécessité d’une diversification différente des formations qualifiantes.
On ne saurait, à terme, laisser en effet subsister dans sa forme actuelle la différenciation bien connue : générale, technologique, professionnelle. Tout commande de concevoir à partir de larges familles, secteurs ou pôles spécifiques de formation, un ensemble extrêmement souple et ouvert de voies de qualification associant par des approches théoriques et pratiques enseignement général, enseignement technologique, enseignement et réalité professionnels.
Ce qui est ici envisagé permettrait par exemple de faire place, tout au long des formations de second cycle, à des séquences en milieu de travail dans les secteurs d’activité les plus divers. L’expérience précieuse acquise au travers des séquences éducatives par les lycées professionnels ou au travers des stages pratiqués par l’enseignement agricole pourrait permettre d’imaginer les adaptations à concevoir en fonction des voies de qualification poursuivies.
Il s’agit bel et bien de rechercher et de mettre progressivement en oeuvre une combinatoire nouvelle du général, du technologique et du professionnel.
Le Conseil économique et social estime qu’une telle conception pourrait assurer aux formations qualifiantes cette manière de trépied solide qui semble bien être celui sur lequel pourrait reposer demain les assises mêmes du travail moderne.
La perméabilité toujours enviée des voies de formation pourrait être facilitée si l’on parvenait à concevoir et à mettre en place pour chacune de ces voies à la fois les unités de formation de base et les unités complémentaires d’adaptation jugées nécessaires pour s’insérer valablement dans telle ou telle autre voie.
Ainsi pourrait progressivement se réaliser un processus de qualification  » glissante  » – évolutive si l’on préfère – qui permettrait encore de corriger les erreurs d’orientation qu’il conviendra en tout état de cause de gérer et non de sanctionner.
On le comprend, rien n’interdit de penser que de telles voies et modalités de formation peuvent être susceptibles de modifier profondément l’actuelle conception de répartition annuelle des flux en classes ou sections permanentes. L’alternance des activités et enseignements divers pourrait en effet conduire à une organisation souple de groupes à  » géométrie variable « . Il est évident qu’une telle approche des formations de second cycle conduirait à de conséquentes adaptations des contenus des titres de qualification (C.A.P., B.E.P., baccalauréats) à partir d’une recomposition des unités de formation.
A l’évidence dans une telle perspective d’évolution, l’apprentissage se trouve tout autant que l’ensemble du système éducatif sérieusement bousculé.
En effet, au fur et à mesure de la progression des mesures nouvelles, l’actuelle sortie niveau 5e serait appelée à progressivement se tarir.
Pour le Conseil économique et social, la voie de l’apprentissage n’en demeurerait pas moins une voie de formation qualifiante vers laquelle choisiraient de se diriger les jeunes ayant opté pour ce type de formation.
L’enrichissement et la diversification des voies de formation de second cycle conduisent à conforter les niveaux actuels de qualification V et IV.
Le Conseil économique et social veut espérer qu’une telle évolution de l’ensemble des pratiques du système éducatif vers une approche plus réaliste des formations qualifiantes favorisera l’accession aux formations de niveaux V et IV ainsi rénovées de la quasi-totalité des classes d’âge.
En un mot, c’est une bataille essentielle qui va devoir s’engager tout au long des quinze années qui viennent, celle déterminante pour l’avenir des qualifications de second cycle pour la quasi-totalité de chaque classe d’âge !
Si nous ajoutons enfin que la souplesse espérée de cet ensemble largement divers et largement ouvert devrait très spontanément favoriser le retour en formation, y compris au sein du service public, de tous ceux et de toutes celles que hasards, difficultés ou déboires divers auraient conduits abréger ou à interrompre une formation qualifiante, nous aurons rappelé une nouvelle fois combien il est essentiel de comprendre que les temps à venir seront ceux d’une formation sans cesse complétée et actualisée constituant tout à la fois un droit et un devoir.
4° L’espace du supérieur
On ne peut avoir mobilisé tant d’énergie et de ressource en amont pour ne point exiger que soit à son tour maîtrisé le défi d’une démocratisation réelle des formations supérieures.
Dans le droit fil des perspectives préconisées, l’enseignement supérieur est bel et bien appelé à devenir progressivement tout à la fois un enseignement de masse et un enseignement mieux individualisé.
Cela. ne veut point dire qu’il va devoir s’abâtardir mais bien plutôt diversifier plus encore ses voies de formation, ses objectifs, ses contenus, ses modes d’enseignement et ne point persister par exemple à ne concevoir ses premiers cycles comme si le seul destin de chacun ne pouvait être que d’accéder au plus haut niveau de la recherche universitaire.
L’université doit comprendre, et le Conseil économique et social le souligne volontiers, qu’elle doit impérativement se penser comme énergie nouvelle du futur. C’est elle dans sa diversité, son tête-à-tête permanent avec la recherche et l’innovation, qui sera plus encore génératrice de nouveaux emplois, de nouveaux pôles de développement technologique et économique, elle qui pourra ensemencer d’audaces nouvelles ce  » temps de l’invention  » qui est désormais notre temps de survie économique et culturelle.
Elle le pourra d’autant mieux qu’elle ne limitera pas ses objectifs à la seule formation initiale mais prendra également en compte les besoins d’actualisation des connaissances nés des mutations qui affectent les secteurs les plus divers de la vie professionnelle.
Dans les secteurs d’activité les plus divers, l’inflation constatée des demandes de qualification à Bac + 2 ne traduit pas seulement une fuite vers le haut de la part des chefs d’entreprises dans le contexte économique que l’on sait, elle illustre aussi des recherches de travailleurs mieux et plus longuement formés susceptibles d’être des atouts dynamiques pour l’entreprise.
Dès lors il est essentiel d’accepter à priori le défi du. plus grand nombre, mais tout aussi indispensable de gérer pleinement et autrement les diversités d’aptitudes, d’intérêt, de compétences, de savoir-faire qui peuvent naître des stratégies mises en oeuvre en amont.
Cela veut dire qu’à l’issue de la bataille à gagner de la transformation nécessaire des différentes étapes de la scolarité, il restera à mieux insérer dans l’espace du supérieur un flux plus conséquent de jeunes. Non dans le désordre et le sauve-qui-peut d’aujourd’hui, mais en imaginant, à l’issue des formations de second cycle des lycées, un temps privilégié d’orientation permettant d’énoncer de nouveaux conseils explicites d’orientation.
L’idée ici avancée ne vise pas à camoufler sous un nouveau fard tel ou tel seuil de sélection dont on n’oserait même plus évoquer l’existence. Le baccalauréat doit demeurer le premier grade donnant accès à l’université. Pour autant il restera à mieux aider chacun à préciser ses choix d’orientation, à recommander à celui-ci telle voie nouvellement offerte, à inviter celui-là à emprunter plutôt telle autre, sans exiger jamais qu’ils marchent tous au même pas, qu’ils s’engouffrent ensemble, pour des parcours légitimement divers, sous telle  » porte étroite  » et ce sous le dramatique et scandaleux prétexte aujourd’hui bien connu que la porte est finalement plus importante que la route.
L’idée que le Conseil économique et social veut ici seulement retenir, est celle d’un accueil plus pertinent, plus attentif, d’un plus grand nombre de bacheliers à l’horizon 2000 (ne parle-t-on pas de 2 millions d’étudiants en l’an 2000). Par là pourrait en effet cesser cette étrange mais non innocente contradiction qui conduit aujourd’hui à procurer les meilleures modalités d’encadrement et de suivi aux meilleurs éléments du secteur sélectif des formations supérieures, et à laisser plus de 60 p. 100 des jeunes bacheliers affronter sans aide et soutien suffisants des filières de premier cycle qui vont être conduites à éliminer chaque année les deux tiers d’entre eux !
Coûteuse pratique que celle-là que n’arrivent pas à contenir les efforts courageux d’ores et déjà entrepris dans bien des universités pour tenter de rénover, de diversifier ou d’étaler les formations de premier cycle.
Les universités, dans le cadre des évolutions attendues, devront sans doute, plus encore qu’elles ne le font aujourd’hui, mêler étroitement les finalités professionnelles à leurs légitimes ambitions d’approfondissement des connaissances et donc multiplier, tout au long des cycles successifs, les contacts, les contrats, les interactions les plus diverses avec leur environnement économique, technologique et social. C’est de la diversification de l’excellence que sera faite l’énergie nouvelle du futur. Pour cela, il faut revoir les schémas établis, jeter un regard neuf sur les vrais besoins de formation qu’appelle partout  » la révolution de l’intelligence « .
Il conviendra aussi d’entrer dans une volonté nouvelle afin de permettre aux universités d’innover, d’inventer, de faire  » naître mille fleurs  » d’initiatives nouvelles. Les universités devraient être de ce point de vue des lieux permanents de choix et de décisions librement établis par les structures internes de gouvernement et de conseil, dès lors que seront ainsi assurées les grandes missions de service public de formations supérieures qui doivent rester celles de l’université française.
Le Conseil économique et social reconnaît la place réelle des grandes écoles dans le système éducatif. Toutefois il leur appartiendra de véritablement dispenser des formations mieux adaptées aux réels besoins et aux attentes bien légitimes du monde économique et social.
L’enjeu de cette nouvelle conquête de l’espace des enseignements supérieurs est décisif pour le devenir du pays tout entier. Cela suppose, pour l’université tout autant que pour les autres étapes de l’aventure éducative, l’acceptation au quotidien de la stratégie de la  » courte échelle « , celle obstinément présente du regard qui croit, du dialogue qui permet, de l’accompagnement vigilant et de la volonté partagée de vaincre et de gagner.
5° Le monde enseignant
Dans le cadre de ces propositions, le Conseil économique et social n’a pas manqué de hausser la barre des attentes et des exigences de formation, pas hésité non plus à convier à une implication quotidienne et à une permanente démarche de qualité l’ensemble des acteurs éducatifs.
Ce faisant, il mesure combien l’adhésion des enseignants eux-mêmes au pari de la formation que lance la Nation reste déterminante. Or, s’il est bien établi que la dévalorisation constatée de la fonction enseignante participe d’un ensemble complexe de facteurs culturels et sociaux, il n’en demeure pas moins que la reconnaissance d’un statut économique décent, c’est-à-dire en rapport avec celui de ceux et de celles qui à qualification équivalente ou comparable exercent dans d’autres secteurs d’activité, constitue le passage obligé de la crédibilité nouvelle à assigner à cette mission de conquête et de maîtrise mieux partagées des savoirs et des savoir-faire qui reste au coeur du défi que nous avons ensemble à relever.
Pour le Conseil économique et social, l’école performante de l’an 2000 doit être habitée par des gagneurs compétents, c’est dire que le prix du savoir mieux partagé comprend aussi celui que l’on accepte de payer à ceux qui le dispensent. Ce serait un premier pas vers une revalorisation attendue de la mission d’enseignement.
Le Conseil économique et social estime, face à la très préoccupante crise de recrutement qui affecte déjà l’enseignement, notamment en raison du niveau insuffisant des rémunérations, qu’il convient de s’engager dès maintenant dans le rattrapage du retard constaté dans la rémunération des enseignants et de prendre en compte de nouvelles exigences de formation et de service dans l’exercice du métier.
Sans être en mesure d’apporter ici des solutions toutes faites à des problèmes qui relèvent au premier chef de négociations ouvertes entre le pouvoir politique et les organisations professionnelles concernées, le Conseil économique et social note néanmoins l’importance que pourraient avoir à cet égard des réponses relatives à l’harmonisation des conditions de travail et de rémunération des différentes catégories d’enseignants.
Il constate en outre que, dans les quinze ans qui viennent, le seul renouvellement des effectifs nécessitera le recrutement de 400 000 enseignants auxquels il conviendrait d’ajouter 30 000 à 60 000 postes supplémentaires pour faire face dans le seul second degré à l’accès d’un plus grand nombre de jeunes aux formations qualifiantes de second cycle.
A ne point voir qu’il y a là plus qu’une urgence, le Conseil souligne combien la pente des expédients nous guette qui nous ramènerait vingt ans en arrière au temps des improvisations de recrutement les plus insensées qui n’ont pas été sans influence sur les performances du système à quelque niveau que l’on se place !
Mais il y a plus encore, et il faut oser dire comme entend le faire ici le Conseil économique et social, que l’école d’une société en mouvement ne peut rester le lieu du seul exercice des compétences professionnelles des enseignants. Il estime en effet qu’il y a place dans le cadre de projets pédagogiques spécifiques pour tout ce qui pourrait enrichir d’expériences, de rencontres, de témoignages, d’informations venues d’ailleurs et notamment du monde du travail, le monde à part de l’école d’aujourd’hui. Bien évidemment, il faut que les entreprises elles-mêmes entrent sans réserve dans cette collaboration aujourd’hui trop timide sans pour autant se substituer à la responsabilité pédagogique des enseignants. Complémentarité et différence peuvent comme le montrent déjà bien des exemples, utilement féconder l’école quotidienne.
6° L’ouverture aux autres
Parce que  » l’école est l’affaire de tous « , le Conseil économique et social entend bien en élargir les attentes à l’ensemble des pratiques éducatives des partenaires concernés. Le Conseil économique et social sait combien l’espace économique et culturel de la famille reste déterminant. Il n’oublie en rien les efforts à entreprendre, bien au-delà de l’école, pour favoriser l’éveil culturel des plus démunis. Il sait combien le désarroi du chômage qui atteint aujourd’hui plusieurs millions de parents et de travailleurs, notamment parmi ceux et celles que l’école a dotés de qualifications insuffisantes, agit tout à la fois comme un ferment d’impatience vis-à-vis de la mission de formation impartie à l’école et comme une pesanteur fataliste disqualifiant, comme par avance, des investissements de formation qui  » de toute façon  » ne pourront conduire qu’au chômage !
Il y a là un vaste champ d’initiatives pour l’école bien sûr, mais aussi et d’abord pour les parents eux-mêmes, pour le monde associatif tout entier.
Une longue évolution a conduit à faire place dans les structures de l’école à la participation des parents, des jeunes, des partenaires du monde économique et social. Le Conseil estime qu’il s’agit bien là d’une innovation majeure qu’il est essentiel de préserver.
Nul ne songe là à instaurer une ingérence dans le domaine des responsabilités pédagogiques des enseignants, mais nul ne peut s’interdire de s’intéresser concrètement à ce qui se vit dans l’école et à ce qui s’y prépare. La participation des usagers est ici plus qu’ailleurs essentielle tant il est vrai que la démocratie au quotidien est mieux gérée quand on la vit en l’apprenant, que quand on tente de l’apprendre en écoutant.
Les pratiques de l’école pour rénovées qu’elles puissent être, auront aussi à prendre en compte les données sociales et culturelles du milieu de vie de chacun. C’est bien celles-ci qu’il convient d’enrichir obstinément notamment en valorisant les diversités qui leur sont propres et que méconnaissent aujourd’hui assez largement tant les normes culturelles de l’école que bien des pratiques du monde associatif.
Le Conseil n’ignore pas que jusque dans l’intimité de la cellule familiale, la réalité de la vie professionnelle des adultes reste quasiment opaque aux yeux des enfants et des jeunes et se réduit pour l’essentiel à l’énonciation d’un métier ou d’une profession.
En cette société technologique où se multiplient les sources et les moyens d’information, il apparaît essentiel au Conseil économique et social de voir privilégier, y compris au sein des médias, des exemples concrets et variés illustrant la diversité et les perspectives des formes modernes du travail.
Le Conseil économique et social ne peut qu’encourager en la matière les initiatives nouvelles des partenaires sociaux visant à revendiquer jusque dans les medias de nouveaux espaces de témoignages en direction des jeunes eux-mêmes.
Stratégie de l’information et stratégie du dialogue familial à réinventer ou à conforter, voilà bien ce qui peut utilement renforcer les initiatives de l’école, cette .affaire de tous qui ne peut être laissée aux seules mains de quelques-uns.
7° Le prix de la qualité
Pour l’école, le  » zéro défaut, zéro panne, zéro délai, zéro stock, zéro mépris  » doit faire office de signal mobilisant au sein des équipes pédagogiques d’une école, d’un collège, d’un lycée, d’une université, une volonté commune de recherche du meilleur processus, du meilleur chemin à emprunter pour que les objectifs de formation et d’acquisition des connaissances fixés soient véritablement atteints par chacun, sans que pour autant un rythme uniforme soit imposé à tous.
Cela suppose une remise en cause courageuse de bien des pratiques, mais aussi une révision attentive des programmes, des horaires, des objectifs. Evaluation fine et suivi attentif, pédagogie différenciée au sein de groupes  » à géométrie variable « , haute compétence des enseignants eux-mêmes, ne sont que quelques composantes de ce prix à payer pour que s’installe partout cette stratégie de  » guetteur  » visant à déceler presque à chaud l’erreur qui s’enkyste, la difficulté qui s’organise en obstacle afin de pouvoir mobiliser sans délai, les secours et les recours nécessaires.
Pour le Conseil économique et social une telle stratégie de compensation et de vigilance doit conduire à terme, à rendre sans objet la pratique du redoublement et donc à intervenir sans délai dès que sont constatés difficultés et échecs.
Cela suppose un immense effort national et une priorité absolue de moyens de fonctionnement et de recherche.
En effet, le seul défi des 80 p. 100 d’une classe d’âge au niveau du bac nécessitera la construction dans les 15 prochaines années de plus de 400 lycées.
Le Conseil économique et social mesure ici l’importance accrue des missions dévolues dans le cadre des lois de décentralisation aux diverses assemblées départementales et régionales.
Il souligne donc l’urgence et la nécessité de cet immense effort d’investissement sans pour autant passer sous silence celui qui consistera à restaurer sans plus tarder le patrimoine immobilier existant. Pour le Conseil, cela ne peut que participer de l’effort conjoint de l’Etat, des départements, et des régions.
Le Conseil économique et social , estime donc que, pour répondre aux exigences de qualité au sein de l’école, il conviendrait dans les quinze ans qui viennent, de porter de 7,1 p. 100 à 10 p. 100 du PIB l’ensemble des dépenses d’éducation et de formation.
Il est très largement conscient des difficultés à vaincre pour que s’impose à chacun l’impératif de cette ardente obligation nouvelle. Il sait cependant qu’il n’est pas d’autre voie pour l’école gagnante d’une démocratie moderne et exigeante.

C. – L’ENTREPRISE, UN PARTENAIRE
Par-delà les diversités qu’ils recouvrent dans l’école et dans l’entreprise, les cinq objectifs de la qualité totale pourraient utilement inspirer partout des stratégies nouvelles à l’une et à l’autre.
Le Conseil économique et social n’ignore pas de quelles préventions réciproques se sont longtemps nourris les rapports de l’école et de l’entreprise.
Il n’ignore pas davantage la nature et l’ampleur des efforts entrepris depuis près de dix ans pour tenter de modifier de part et d’autre bon nombre de perceptions abruptes et réductrices.
Sans prétendre pour autant clore ici l’interminable débat qui oppose parfois champions de l’humanisme et tenants du profit, sans que ceux-ci soient fatalement étrangers à ceux-là, le Conseil économique et social constate que les évolutions observées et les exigences maintenant reconnues d’une meilleure insertion sociale et professionnelle des jeunes dans une société technologiquement avancée, incitent à parier sur une nouvelle alliance des valeurs de référence et des intérêts réciproques.
Il le fait d’autant plus que l’entreprise moderne, devenue lieu permanent d’innovation technologique, a déjà largement compris combien la formation continue faisait désormais partie de son activité même.
Activité de production ou de service, et temps de formation intégré composent déjà le nouveau visage de bien des entreprises industrielles ou artisanales.
Outre le complément indispensable qu’elle apporte aux formations générales ou professionnelles dispensées par l’école, la formation continue peut aussi constituer l’occasion d’une nouvelle chance pour tous ceux et toutes celles qui n’ont pu acquérir en formation initiale les qualifications suffisantes. Encore faudrait-il que l’école elle même ait pu doter chacun des connaissances instrumentales de base et donner à tous le goût prolongé des savoirs à conquérir, à maîtriser, à dépasser.
En tout état de cause, notre assemblée ne peut qu’insister sur la place prépondérante, intégrée au temps de travail que doit tenir la formation continue dans. les stratégies d’investissement et d’évolution des entreprises.
De la même façon, elle ne peut qu’encourager la mise en oeuvre de coopérations nouvelles mêlant étroitement apports de l’école et enseignements venus du monde du travail.
Reste sans doute aux entreprises à se débarrasser partout où il en reste de raideurs d’un autre âge et de mépris d’un autre temps. C’est d’elles aussi que naîtra le changement de regard qui sera demain porté sur elles.
A l’évidence cela reste essentiel.
On ne peut en effet, affirmer que l’école et l’entreprise ont à entretenir d’authentiques rapports de partenaires mutuels et refuser d’admettre que cela commande la mise en oeuvre de relations nouvelles au sein de l’entreprise. Il va sans dire que la nature et l’ampleur des changements à opérer en la matière relèvent au premier chef de négociations ouvertes entre les partenaires sociaux concernés.
Pour le Conseil économique et social, il est bien clair que le monde économique dans toutes ses diversités est aujourd’hui appelé à devenir partenaire à part entière et non partenaire à part, coopérant avec l’école dans la lente, progressive et continue démarche de formation.
Il s’agit bien là d’une urgence essentielle, d’autant plus ressentie qu’elle a déjà suscité en Europe bien des initiatives de coopération mutuelle école/entreprise.
L’horizon désormais très proche de l’espace économique et culturel européen de 1992, et donc d’une  » nouvelle frontière  » de compétences itinérantes et multipliées, ne peut que rendre à terme fatalement dérisoires ces crispations quelque peu  » féodales  » qui sont encore parfois les nôtres en matière de formation.
Reste à l’entreprise, et le Conseil entend le souligner, à développer sans réserve cette coopération et ce partenariat sans différer, ni tergiverser, mais avec détermination.
Privilégiant seulement quelques suggestions, s’attachant à ne brosser qu’à grands traits les perspectives d’évolution souhaitable des rapports de l’école et du monde économique face à la nouvelle révolution technologique, économique et culturelle, le Conseil économique et social a voulu se garder de concevoir une réforme de plus du système éducatif français !
Ce faisant, il a cependant voulu qu’un nouveau regard et un nouveau dialogue permettent d’en finir avec les discriminations coûteuses et mutilantes que l’école dispense, cautionne, reproduit et que le monde économique utilise.
Chemin faisant, il a voulu aussi souligner pour tous l’urgence du renouveau, le passage obligé de l’effort colossal, prioritaire et absolu qui doit être celui de l’ambition d’éducation et de formation.
Dès lors, la problématique est claire : audace ou conservatisme, essor ou immobilisme, ambition ou fatalisme, notre société n’aura jamais que l’école qu’elle mérite, c’est-à-dire celle qu’elle saura exiger.


Annexe à l’avis

SCRUTIN UNIQUE
sur l’ensemble du projet d’avis
Nombre de votants : 196
Ont voté pour : 166
Ont voté contre : 14
Se sont abstenus : 16
Le Conseil économique et social a adopté.

Ont voté pour : 166
Groupe de la C.F.D.T – M. Autexier, Mme Beauville, M. Billon, Mme Brice, MM. Gauzelin, Hureau, Le Boterff, Jean-René Masson, Mme Milhomme, MM. Murcier, Rabardel, Mlle Raïga, M. Rousselot Mme Scavehnec, MM. Troglic, Vergnolle.
Groupe de la C.F.E.-C.G.C. – MM. Bordes-Pagès, Cros, Flattet, Mandinaud, Marchelli, Menu, de Santis.
Groupe de la C.F.T.C. – MM. Bornard, Bergamini, Gruat, Mme Lingelser, MM. Etienne Simon, Veyssière.
Groupe de la F.E.N. – M. Baunay, Mme Laroche, MM. Laxalt, Simbron.
Groupe de l’U.N.A.F. – MM. Bichot, Bordereau, Burnel, de Crépy; Duffaure, Frahier, Jacquet, Maurice, Niol.
Groupe de l’agriculture. – MM. Barsalou, de Benoist, Bordeaux-Montrieux, de Bretteville, Camo, Castaing, Cazals, Chatellier, Mme Chezalviel, MM. Collaudin, Compiègne, Cormorèche, Douroux, Fauconnet, Garinois, Guézou, Guyau, Jouve, Lacombe, Lapèze, Laur, Ledru, Meinrad, Munet, Perrin, Ragot, Rigaud, Steib, Teyssedou.
Groupe des entreprises privées. – MM. Bizard, Bocquet, Brana, Brunet, Brunier, Chesnaud, Chotard, Clément, Dermagne, Fabre, Flornoy, Gattaz, Gauthier, Giral, Lagane, Lanusse-Croussé, Lanvers, Le Baud, Lepatre, Netter, Parrotin, Pinet, Rebuffel, Salvanès, Tissidre.
Groupe des entreprises publiques. – MM. Aubert, Calandra, Mme Chassagne, MM. Escande, Le Floch-Prigent, Renon, Ruault, Vélitchkovitch.
Groupe de l’artisanat. – MM. Cabut, Della-Chiesa, Duport, Goguet, Léon, Martel, Pierre Masson, Paquet.
Groupe des personnalités qualifiées – MM. Aicardi, Andrieu, Arrighi de Casanova, Beauchamp, Bourbon, Bracque, Buard, Chaigneau, Delarue, Mme Delorme, Mme Franck, M. Girard, Mme Iff, MM. Langlade-Demoyen, Le Vern, Luchaire, Magaud, Méraud, Munier, Mme Parent, MM. Poujade, Rosius, Schapira, Schwartz, Steg, Mme Sullerot, M. Teillac, Mme Tillard, MM. Trigano, Vignau, Wrésinski.
Groupe de la coopération. – MM. Chambaud, Chevalier, Duchalais, Gaudinat, Hallot, Lacroix, Régis.
Groupe des représentants des Français de l’étranger, de l’épargne et du logement. – MM. Carasso, Courbey, Delmon, Pétri-Guasco.
Groupe des associations. – Mme Chéroutre, MM. Davezac, Guénée, Paillou, Théry.
Groupe des professions libérales. – MM. Beaupère, Salmon, Talandier.
Groupe de la mutualité. – MM. Optat, Salanne, Teulade, Vattier.

Ont voté contre : 14
Groupe de la C.G.T-F.O. – Mme Adenis, MM. Bernard, Bolut, Bouchet, Doriat, Huc, Jenet, Kerbriand-Postic, Lalonde, Lepresle, Lequoy, Marçot, Paris, Roulet.

Se sont abstenus : 16
Groupe de la C.G.T. – M. Bauduret, Mme Brovelli, MM. Calvetti, Caussé, Desmaison, Mme Dubois, MM. Madieu, Magniadas, Obadia, Parrot, Mme Scipion, M. Stoquert.
Groupe de l’agriculture. – M. Mineau.
Groupe des entreprises publiques. – M. Quin.
Groupe des personnalités qualifiées. – MM. Herzog, Schmit.


DECLARATIONS DES GROUPES

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Groupe de l’agriculture
Les agriculteurs sont tout à fait désireux de l’affirmation d’un consensus sur l’école au profit de son premier bénéficiaire : l’enfant. Pour les vivre déjà dans l’enseignement agricole, ils approuvent les principes de cet avis : – une formation générale initiale solide ; – un suivi plus personnalisé et non uniforme de l’enfant ; – des expériences pratiques, organisées dès le collège, plaçant réellement l’école dans la vie et valorisant la vie comme support pédagogique ; – une participation accrue des parents et des professionnels dans l’orientation et dans les structures d’enseignement. Certes, des nuances peuvent être apportées à cet avis. On notera par exemple, que le redoublement en cours de scolarité est souvent l’occasion d’un nouveau départ après consolidation des connaissances et des mécanismes fondamentaux. Nous sommes donc prudents sur la qualification négative du redoublement, sauf lorsqu’il aboutit à une sortie du système éducatif sans aucune qualification. Toutefois, soucieux d’une plus grande valorisation des complémentarités scolaires et professionnelles, soucieux de l’affirmation d’un consensus sur l’école, pour le succès des jeunes de l’an 2000, les représentants agricoles ont voté l’avis présenté par M. Andrieu, considérant que ses propositions ébauchent des voies très constructives pour l’avenir.

Groupe de l’artisanat
Entrée dans le temps de l’invention et du langage, notre société recherche aujourd’hui l’homme relationnel. Sur ce fondement repose toute la philosophie du présent avis. Mais comment former cette personne dont les mérites seraient : l’adaptabilité, la mobilité, le goût des responsabilités, le sens de l’implication personnelle, l’aptitude à la conceptualisation, la passion de la qualité, l’attrait pour le travail en équipe et, bien entendu, la vocation pour la communication ? L’avis indique qu’il conviendrait de proposer un enseignement plutôt de type général, mais intégrant des composantes technologiques, scientifiques et commerciales. Une telle combinatoire nécessiterait, est-il précisé, un large développement des interactions école/terrain. Les membres du groupe de l’artisanat ne peuvent qu’adhérer à une telle perspective qui habilite un modèle de formation fondé sur l’alternance. Cette orientation est la seule qui permettrait à l’école de quitter sa chrysalide et à l’enseignement d’apparaître véritablement comme l’affaire de toute la nation. Les dysfonctionnements actuels du système éducatif français, que souligne objectivement l’avis, coûtent trop cher socialement et économiquement pour être laissés sans remède. Comment dynamiser l’insertion professionnelle des jeunes, comment retrouver les chemins des succès technologiques, comment renforcer le rôle de notre pays dans le monde, sans porter la plus grande attention aux problèmes de formation ? La correction des échecs scolaires doit donc devenir une volonté prioritaire. Comme le propose l’avis, une telle ambition appelle trois évolutions essentielles : La première est de considérer – enfin ! – l’élève comme une personne. Chaque jeune a ses capacités et ses difficultés qui évoluent au cours de son propre parcours de formation. Et l’école se doit d’en tenir compte. Pareille remarque – de simple bon sens, semble-t-il – est de taille car depuis des décennies, la progression du groupe  » classe  » prime sur celle de l’élève.
La deuxième évolution concerne les enseignants qu’il convient de mobiliser. Le groupe de l’artisanat admet tout à fait que, s’il y a retard de statut économique par rapport à d’autres catégories professionnelles comparables, il doit être comblé. S’agissant des conditions de travail, le présent avis souligne la nécessité de recruter des éducateurs supplémentaires. Les représentants du secteur des métiers ne formulent pas d’opposition de principe à cette perspective, si ce n’est qu’elle devrait être justifiée par les conclusions préalables d’un bilan complet sur les effectifs pédagogiques actuels et leur affectation. Enfin, la formation doit aujourd’hui étroitement mêler apports de l’école et enseignements venus du monde du travail. L’artisanat qui possède la longue expérience de l’apprentissage n’a pas à être convaincu de cette indispensable coopération. Ses représentants ne peuvent que se réjouir de cette proposition d’évolution.

Groupe des associations
Le groupe des associations se déclare en plein accord avec les grandes orientations énoncées dans les rapports et avis présentés par Jean Andrieu. Et ce d’autant plus qu’elles constituent aussi les grands axes de la pédagogie mise en oeuvre dans de nombreuses associations. Toutefois ces orientations, pour applicables qu’elles soient à toute action éducative, ne couvrent pas pour autant l’ensemble des missions de l’école dont l’objectif n’est pas seulement de préparer des ressortissants à une insertion économique. Mieux le souligner aurait été souhaitable pour éviter tout malentendu. Sur les analyses et propositions concernant les différentes étapes du cursus scolaire et universitaire, le groupe est également d’accord mais il tient particulièrement à manifester son attachement à deux exigences : – mettre en oeuvre à tous les stades de ce cursus un soutien personnalisé pour éviter les redoublements et les échecs ; – assurer une orientation continue tout au long du cursus. Quant à l’ouverture de l’école sur son environnement économique et social, elle appelle à un partenariat dont les conditions devraient être mieux précisées. Partenariat à part entière avec les familles – sans exclure celles qui sont socialement et culturellement les plus éloignées de l’institution scolaire. Partenariat avec les entreprises. Partenariat avec les associations du secteur éducatif. Le groupe est également en accord avec le rapporteur en ce qui concerne les investissements matériels et immatériels à réaliser, les moyens de fonctionnement à mobiliser pour moderniser l’école. Mais cet effort doit être accompagné d’une réflexion sur les dispositions qui président à la gestion et au fonctionnement du système éducatif. On peut en effet se demander si les changements très importants préconisés dans le rapport seront réalisables aussi longtemps que les établissements et les équipes d’enseignants ne disposent pas de plus grands espaces de liberté et de plus grandes marges d’adaptation afin de pouvoir s’ouvrir sur un environnement de plus en plus diversifié et mouvant. Le groupe des associations aurait souhaité que cette question fasse l’objet d’un examen plus approfondi. En conclusion, le consensus qui se dessine aujourd’hui sur la priorité qu’il convient d’accorder aux problèmes d’éducation doit encore être clarifié et approfondi en ce qui concerne notamment la nature et l’ampleur des changements qu’il appelle. Le rapport et avis de Jean Andrieu a déjà contribue à cette clarification et à cet approfondissement. Aussi le groupe des associations qui, certes, aurait souhaité quelques précisions ou compléments, en apprécie la qualité et a voté l’avis.

Groupe de la C.F.D.T.
L’ampleur du sujet de ce rapport entraînait le risque de ne pas en traiter le coeur, ou encore celui de dessiner une nouvelle fois une réforme globale du système éducatif. Même si pour la C.F.D.T. cet avis traite plus les problèmes de l’école que ceux de l’entreprise, elle considère que son contenu constitue une avancée appréciable. Ainsi l’avis définit des objectifs qui interpellent le système éducatif : redoublement, renforcement de la charnière école maternelle et école primaire, amélioration de l’orientation, diversification des voies qualifiantes, faire de l’enseignement supérieur à la fois un enseignement de masse et un enseignement plus personnalisé. La réalisation de ces objectifs suppose un effort national pour faire de l’école une priorité nationale et remédier à la crise du recrutement des enseignants, notamment par une reconnaissance plus positive de leur métier. Mais l’entreprise ne peut plus ignorer sa responsabilité en matière de formation. C’est encore trop souvent au moment du licenciement que l’on se préoccupe de formation et de mutation professionnelle, alors que la formation devrait être un souci permanent de façon à devenir un outil d’aide à la mobilité choisie, un élément d’une requalification possible. Le temps de travail et le temps de formation ne doivent plus être séparés. Mais il faut aller plus loin : le couple indissociable production-formation doit constituer l’activité de tout salarié. Et comme le note l’avis, la formation continue peut aussi constituer une nouvelle chance pour tous ceux et toutes celles qui n’ont pu acquérir en formation initiale les qualifications nécessaires, ainsi que les moyens de mieux maîtriser les évolutions. En conclusion, pour la C.F.D.T., il apparaît important, sur le thème de l’école et de la formation, après les tensions et clivages exacerbés encore inscrits dans les mémoires, de vérifier qu’un accord sur des orientations importantes est possible. C’est le mérite de cet avis et c’est pourquoi la C.F.D.T. le vote.

Groupe de la C.F.E.-C.G.C.
Le groupe de la C.F.E.-C.G.C. se félicite qu’un sujet aussi déterminant pour l’avenir de notre société que les rapports de l’école et du monde économique ait enfin été abordé, au Conseil économique et social, et d’une telle manière. Le projet d’avis confirme ce que nous affirmons depuis plusieurs années déjà sur l’étroite conjugaison entre le temps de travail-production et le temps de travail-formation.
Nous approuvons pleinement les orientations du projet d’avis quant aux modalités du rapprochement école-entreprise : séquences en entreprise, jumelages, participation des professionnels aux structures de l’école et aux projets pédagogiques, formation en alternance. Le groupe de la C.F.E.-C.G.C. estime lui aussi que la mise en place de la formation permanente est une nécessité où les universités ont leur rôle à jouer. Il est d’accord pour souligner avec le projet d’avis que les formations doivent se diversifier si l’on veut atteindre les objectifs de qualification nécessaires à l’an 2000. Notre groupe est satisfait que le projet d’avis fasse état de la paix scolaire qui a permis de retrouver dans la sérénité le sens de la mission d’éducation. Reconnaissant les indéniables réussites de l’institution scolaire, nous pensons qu’il faudrait cependant mieux s’adapter aux jeunes, aux familles et au monde qui change ; c’est pourquoi nous approuvons les notions porteuses de  » l’école différentielle « . Le groupe de la C.F.E.-C.G.C partage avec le projet d’avis le souci de la condition enseignante : même si la revalorisation des rémunérations ne saurait suffire à enrayer la crise de recrutement actuelle, elle est absolument nécessaire. Il est certain également qu’il faudra consacrer une part croissante du budget de la nation à l’éducation nationale. Notre groupe s’est plu à rappeler le rôle fondamental de la famille dans l’éducation des enfants, rôle à remplir en harmonie avec des enseignants de qualité dispensant un enseignement de qualité. Nos autres remarques ayant été en grande part prises en considération avec l’acceptation de la plupart de nos amendements, notre groupe, en félicitant le rapporteur pour son courage intellectuel et la qualité de son langage, émet un vote favorable sur le projet d’avis.

Groupe de la C.F.T.C.
Le groupe de la C.F.T.C. approuve l’orientation générale de l’avis, bien résumée dans la formule suivante :  » Pour l’école qui fut, des décennies durant, au centre d’affrontements douloureux, l’heure n’est plus aux déchirements, mais bien à la paix scolaire préservée, autorisant la mise en oeuvre d’une réelle volonté collective de transformation et de modernisation de la mission impartie au système éducatif français.  » En particulier, le groupe de la C.F.T.C. souscrit aux objectifs de l’avis : – effort prioritaire à réaliser, pour éliminer l’échec scolaire, en essayant d’adapter les méthodes pédagogiques aux possibilités et aux rythmes des élèves. Aujourd’hui, l’enseignement doit d’abord porter un certain regard sur l’enfant pour que celui-ci ne soit pas seulement un individu perdu dans la masse ; – adaptation de la pédagogie aux situations concrètes vécues par les jeunes ; – prise en compte de l’hétérogénéité des jeunes, qui viennent en effet de milieux très divers : les acquis culturels dus à la famille varient de façon considérable entre les enfants de cadres et ceux issus de milieux moins favorisés, et en particulier du quart monde. On ne peut les traiter comme s’ils avaient tous le même arrière-plan de références culturelles ; – attention portée à l’avis des familles dans les conseils d’orientation ; – diversité des formations pour répondre à la diversité des aptitudes et des besoins ; – développement des échanges école-entreprise, permettant aux jeunes de comprendre à temps l’importance de l’enjeu que représente une formation initiale, générale et professionnelle ; – reconnaissance de l’entreprise comme partenaire dans l’éducation. Souscrivant aux constatations et aux propositions du projet d’avis, le groupe de la C.F.T.C. décide de le voter.

Groupe de la C.G.T.
La C.G.T. considère que le projet d’avis soulève de véritables questions et dégage des pistes de réflexions intéressantes. Mais il n’atteint pas son but dans la mesure où il se trouve déconnecté des grands problèmes économiques et sociaux que sont : la dégradation de l’emploi, le déclin, le recul de civilisation, qui sont les caractéristiques de la politique menée aujourd’hui dans le pays. L’avis accrédite ridée de fatalité de la crise et d’adaptabilité de la formation, alors qu’il faudrait faire de celle-ci un des leviers permettant de vaincre la crise et répondre aux questions : la formation pour quoi faire? pour quels emplois? quels développements économiques ? En recherchant le consensus à tout prix, on a gommé des rapports qui sont antagonistes et ne peuvent disparaître autour d’un projet éducatif. Ceux qui sont globalement responsables de la situation actuelle n’ont nulle envie de modifier le cours des choses. C’est parmi les victimes des échecs scolaires que le patronat recrute les manoeuvres, les O.S., les jeunes en perpétuelle  » précarité « . C’est notamment en utilisant l’existence de millions de chômeurs qu’il développe la déqualification, la déclassification. C’est aussi au nom du consensus qu’a été retiré le chiffrage de l’effort de revalorisation de la rémunération des enseignants. L’avis soulève, à juste titre, les problèmes posés par l’échec scolaire et la nécessité de politiques volontaristes en ce domaine. Cela devrait conduire à une révision en hausse du projet de budget de l’éducation nationale pour 1988. Concernant les moyens à consentir, nous partageons l’objectif de porter à 10 p. 100 du P.I.B. en quinze ans la part à consacrer à la formation mais l’effort ne devra pas porter que sur les collectivités et les ménages. Nous considérons qu’un effort particulier devra être demandé aux entreprises dans la mesure où ces dernières seront les principales bénéficiaires de l’élévation de la formation générale et de la qualification des salariés. Avec le Conseil, nous estimons nécessaire qu’un large débat s’instaure sur les objectifs du système éducatif qu’il faut au pays. Encore faut-il que ce débat ne soit pas biaisé, tant sur les objectifs, que sur les moyens à mettre en oeuvre. L’objectif d’amener une majorité de jeunes au niveau du baccalauréat est une nécessité qui rencontre une large demande populaire ! Mais ça ne peut pas être une occasion pour mettre en cause la qualité et justifier les déqualifications. D’où la nécessité d’une participation de tous à la définition des besoins, des objectifs et des moyens. Notre abstention sur le projet d’avis, présenté par Jean Andrieu, se veut un élément pour l’ouverture de ce débat.

Groupe C.G.T.-F.O.
La C.G.T.-F.O. relève, en premier lieu, dans le projet d’avis, certaines convergences avec ses propres conceptions dans le domaine scolaire. Ainsi, nous apprécions l’hommage rendu à l’institution scolaire et l’importance accordée à la formation générale. Nous adhérons, par conséquent, sans réserve, à la mise en valeur du rôle irremplaçable de l’école maternelle. Nous sommes, nous aussi, surtout préoccupés par l’échec scolaire et nous acceptons volontiers de comparer son coût désastreux, aggravé, aujourd’hui, par la crise économique et le chômage, avec celui du savoir. En outre, la pénurie d’enseignants et leurs faibles rémunérations font l’objet de nos revendications constantes, nous sommes satisfaits de les voir également prises en compte. Mais postuler des moyens accrus doit s’accompagner, pour Force Ouvrière, d’une interrogation sur la nature de l’école et sa mission. Or certaines initiatives à la mode, envisagées par le projet d’avis, nous inspirent la crainte d’une remise en cause de la laïcité et de la mission du service public propre à l’école. Nous demeurons, quant à nous, opposés à la gestion tripartite susceptible d’introduire des personnes extérieures à l’école et de susciter des interférences politiques menaçant l’indépendance des enseignants. En outre, alors que ceux-ci souhaitent avant tout instruire, la notion d’animation paraît l’emporter dans le rapport sur le concept d’instruction. Sur un autre plan, la décentralisation constitue, pour nous, en particulier dans l’éducation nationale, un danger. Défenseurs des programmes nationaux et du caractère national des diplômes nous craignons que le projet  » d’école différentielle  » ne conduise à l’adoption de diplômes régionaux hétérogènes. D’autre part, si nous ne souhaitons pas que l’école ignore l’entreprise, nous ne voulons pas pour autant que l’entreprise domine l’école. Nous avons, pour notre part, désapprouvé l’idée de jumelage entre l’école et l’entreprise et l’introduction de l’alternance dans l’éducation nationale pour des jeunes sous statut scolaire. C’est pourquoi nous refusons l’étalement des apprentissages défendu par le projet d’avis. A cet égard, nous voyons dans l’objectif d’une tranche d’âge de 80 p. 100 au niveau du baccalauréat le camouflage d’une remise en cause, tant du C.A.P. que du baccalauréat lui-même. Compte tenu de ces observations et des amendements acceptés par la majorité de l’assemblée, le groupe de la C.G.T. – F.O. a voté contre le texte du projet d’avis.

Groupe de la coopération
Nous sommes frappés dans ce rapport par l’écart entre l’ambition affirmée (à la fois, permettre à chacun d’exercer son droit de conquérir qualification et compétence et permettre à la Nation de disposer du maximum d’hommes et de femmes aux aptitudes transférables adaptées aux nouvelles exigences technologiques, économiques et culturelles) et la modestie des propositions concrètes formulées. Loin d’en faire une critique, nous y voyons plutôt un réel mérite. Une nouvelle proposition de réforme totale du système éducatif français n’aurait été ni sérieuse, ni réaliste. Tout le rapport invite au contraire à porter un regard nouveau sur l’éducation et le monde économique. Le rapporteur appelle à maintes reprises à l’innovation. Elle se développera avec les aptitudes artistiques, avec les qualités de caractère. L’école française a sur ce point d’importantes mutations à opérer, de rapides adaptations méthodologiques à envisager. Tout en sachant les difficultés d’imiter d’autres systèmes éducatifs, elle ne doit pas refuser les expériences stimulantes d’autres pays, anglo-saxons ou germaniques en particulier. Les suggestions pratiques nous semblent bonnes, tout particulièrement pour l’école élémentaire et cette première et décisive bataille contre l’échec disqualifiant. En ce qui concerne le rapprochement école-entreprise, à partir du collège, jusqu’aux hauts niveaux universitaires, le mouvement coopératif se sent par nature concerné, en particulier à travers les coopératives scolaires à tous les degrés dont le rôle de pédagogie pratique est devenu très important. La formation permanente indispensable pour s’adapter aux mutations technologiques, doit s’intégrer dans l’espace du professionnel, dans l’espace du supérieur, à travers des liaisons nouvelles et organiques école-entreprise. Cette exigence du monde moderne rejoint la tradition compagnonnique la plus noble et généralise cette lignée héroïque d’autodidactes qui firent l’économie sociale dans notre pays. Ces acteurs doivent être les meilleurs instruments de ce rapprochement salvateur. Nous rejoignons le rapporteur sur la nécessaire mise en oeuvre de relations nouvelles pour que s’instaurent d’authentiques rapports de partenaires entre l’école et l’entreprise au sein même de l’entreprise. C’est la vocation même du mouvement coopératif de les mettre en oeuvre. L’entreprise en effet n’apporte pas seulement les données techniques, mais un type d’organisation, de direction, voire de société : elle peut ainsi devenir une école de responsabilité et de créativité – comme c’est le cas éminent dans les différentes formes d’entreprises démocratiques.

Groupe des entreprises privées
Pour le groupe des entreprises privées, cet avis est l’un des plus importants émis par le Conseil depuis de nombreuses années. Un nouveau style, imagé et parfois corrosif, une nouvelle approche consistant à aborder les problèmes de front, une vision essentiellement tournée vers l’avenir : le groupe a constamment soutenu cette démarche originale qui n’épargne personne, et pas plus les entreprises ! Puisqu’il dépasse les luttes passées et qu’il veut oublier les préjugés, cet avis trace, sous un jour nouveau, l’avenir de l’éducation. Le groupe, qui est loin d’approuver toutes les affirmations de ce rapport, l’a adopté à l’unanimité car il soutient les objectifs essentiels retenus : – amener en l’an 2000 80 p. 100 d’une classe d’âge au niveau d’un baccalauréat – bien sûr modifié ; – maintenir à la fois l’apprentissage et les grandes écoles ; – arrêter une charte éducative ; – diversifier les enseignements pour mieux répondre aux besoins tant des enfants que des entreprises ;
– lutter contre les trop nombreux échecs scolaires ; – rechercher la qualité de l’enseignement ; – faire de l’entreprise un partenaire à part entière. C’est une perspective qui est l’espoir des parents et de la jeunesse. C’est une urgence pour la nation. Le groupe a conscience du coût d’un tel bouleversement ; certains arbitrages douloureux devront être faits entre l’éducation et d’autres dépenses publiques ou sociales : mais, dans un monde en mutation technique constante, la survie économique d’une nation est étroitement liée à la formation de sa jeunesse, qui constitue l’un des meilleurs investissements à long terme.

Groupe des entreprises publiques
Le groupe des entreprises publiques apprécie que, dans le rapport et l’avis, soient mises en lumière les relations nécessaires de partenariat qui doivent exister entre l’école et l’entreprise. Cependant, l’évolution des technologies, la véritable révolution culturelle qu’elle a introduit dans nos vies professionnelles et personnelles, oblige à aller beaucoup plus loin. Le rythme de l’évolution de l’économie et des métiers est tel à notre époque qu’on ne peut se contenter d’une formation initiale ni d’un complément dispensé tardivement à l’occasion d’un changement de métier. C’est à un nouveau partage du temps de présence dans l’entreprise qu’il faut désormais penser, temps de travail productif d’abord et en priorité, mais aussi, temps consacré à la formation, au poste de travail tel qu’il est, et temps consacré à la préparation, à l’adaptation au poste de travail tel qu’il va devenir. C’est le seul moyen, pour les adultes de n’être pas demain rejetés d’une société de travail en pleine évolution et pour les entreprises de valoriser ce capital essentiel que sont les hommes qui y travaillent. Si cet investissement s’inscrit au premier rang dans le cadre des priorités des entreprises et s’il est naturel et indispensable qu’elles en gardent la maîtrise parce que seules elles peuvent en connaître la nature et en mesurer le rythme et l’importance, il serait absurde que pour sa mise en oeuvre, elles ne bénéficient pas de l’appui pédagogique de l’école. Ceux qui ont expérimenté cette conception de la vie dans l’entreprise ont pu apprécier son impact social autant qu’économique et les résultats qu’elle a donnés. Le groupe des entreprises publiques a retenu un autre point moins important mais d’une application plus immédiate. A l’époque de mutations technologiques rapides que nous connaissons, il serait très préjudiciable de voir l’école dépourvue des appareils les plus nouveaux que les travailleurs utilisent dans l’industrie et c’est trop souvent le cas. S’il est indispensable et nous en sommes tous conscients, que la nation donne à tous ceux qui assument la charge du plus important des services publics, des moyens d’existence convenables, il ne faudrait pas omettre de leur donner aussi les moyens matériels et techniques permettant de préparer  » en vraie grandeur  » les élèves aux professions de demain. Le groupe des entreprises publiques votera l’avis qui lui est soumis.

Groupe de la F.E.N.
Le groupe de la F.E.N. estime que le projet d’avis ne répond pas exactement à la question posée. Le texte insiste sur les pesanteurs à vaincre dans le système scolaire mais ne mesure pas suffisamment les bouleversements à opérer au sein des entreprises. La F.E.N. réaffirme son opposition au paragraphe traitant de la  » paix scolaire « . Elle dénonce le recours, cet été encore, à une législation surannée pour inciter à l’aide financière aux établissements privés. En désaccord avec la rédaction de la page 9 de l’avis relative à l’apprentissage, la F.E.N. renouvelle avec netteté sa condamnation de la récente loi sur l’apprentissage, voie de substitution qui n’est pas voie d’avenir. Le coût de l’éducation initiale des jeunes n’est pas dépense stérile, n’est pas économie à réaliser. L’effort d’investissement éducatif demeure plus que jamais nécessaire. Le projet d’avis propose quelques orientations essentielles qu’il est important de soutenir : – l’ambition d’une priorité absolue traduite par une loi de programmation ou de programme ; – le développement de l’école maternelle, la mobilisation des moyens pour le collège ; – le renforcement de l’équipe pédagogique au niveau des premiers apprentissages (30 000 enseignants supplémentaires environ) ; – la construction de 400 lycées et la diversification des voies de formations secondaires ; les premiers résultats des baccalauréats professionnels sont de ce point de vue prometteurs ; – la nécessité de revaloriser les rémunérations des enseignants tant leur niveau est insuffisant et tant sont injustes les disparités entre elles. En proposant de porter à 10 p. 100 du P.I.B. l’effort national pour la formation et l’éducation, le projet d’avis concrétise l’objectif prioritaire d’investissement. En dépit de critiques fermes, le groupe de la F.E.N. prend en comptes ces objectifs globaux ambitieux en votant le projet d’avis.

Groupe des professions libérales
Associer plus étroitement enseignement général, enseignement technologique et enseignement professionnel ne peut que recueillir l’accord du groupe des professions libérales. Le rapport et l’avis du Conseil économique et social sur les perspectives d’évolution des rapports de l’école et du monde économique face à la nouvelle révolution industrielle, nous interpellent directement. En effet, dans l’enseignement supérieur, un certain nombre de professions libérales (avocats, notaires, architectes, médecins … ) font alterner formation générale et formation professionnelle. Le troisième cycle des études médicales, par exemple, est une école d’application avec stages chez des praticiens. Notre expérience nous amène à dire que le rapport aurait mérité plus de développements sur l’adaptation des formations aux besoins. Le rapport et l’avis préconisent bien une véritable politique d’orientation au niveau des collèges et du premier cycle de l’enseignement supérieur. Nous approuvons les propositions faites en ce sens mais nous estimons qu’il ne faudrait pas hésiter à parler de sélection pour l’accès à certaines professions. Les professions de santé sont un exemple de sélection légale et malgré cela l’accès à l’assurance maladie est refusé à un certain nombre de professionnels. Le groupe des professions libérales tient à souligner son accord sur la nécessité d’améliorer les rémunérations des enseignants en particulier celles des enseignants de l’école primaire dont la mission est fondamentale dans l’acquisition première des connaissances. Nous approuvons d’ailleurs les propositions visant à augmenter le nombre d’enseignants pour la charnière école maternelle/école primaire et nous sommes favorables à la pédagogie différenciée qui est préconisée dans le rapport. Nous sommes conscients de la nécessité d’accroître le budget de l’éducation nationale et de prévoir une loi de programmation scolaire mais nous tenons à émettre des réserves sur la proposition de faire passer de 7 à 10 p. 100 du P.I.B. l’ensemble des dépenses d’éducation et de formation dans les quinze ans à venir. C’est un objectif souhaitable mais qui ne nous paraît pas très réaliste. Le groupe des professions libérales se félicite enfin que le rapport et l’avis ne remettent pas en question la paix scolaire à laquelle le pays est enfin parvenu. Il a émis un vote favorable sur l’ensemble de l’avis.

Groupe de l’U.N.A.F.
Les familles sont responsables de l’avenir de leurs enfants. Elles les accompagnent au cours de leur scolarité. Ce sont elles qui les épaulent également lorsqu’ils ne peuvent pas trouver un emploi. Or, l’U.N.A.F. constate que l’école ne prépare pas toujours de façon satisfaisante les jeunes à leur future situation. Il convenait donc que ce débat ait lieu. On sait qu’il n’est plus question de se former pour un seul métier ou pour un seul âge. Les jeunes devraient acquérir des bases solides intégrant, à une bonne culture générale, une formation et une culture technologiques plus approfondies. Ceci leur permettrait de s’adapter aux nouvelles données qu’ils rencontreront au cours de leur vie professionnelle. Ils pourront ainsi faire face dans les meilleures conditions aux mutations prévisibles et reprendre à tout moment une formation. L’U.N.A.F. réaffirme donc que la lutte contre l’échec scolaire est une priorité. Le système éducatif doit être axé autour du développement et de l’épanouissement de l’enfant. Ceci implique de tenir compte de ses capacités individuelles et de ses rythmes biologiques selon les dernières données de la chronobiologie, et de supprimer les paliers d’âge trop rigides. Il ne faut pas développer l’enseignement à partir de la sélection par l’échec, mais au contraire apporter à certains le soutien pédagogique nécessaire par une prise en charge plus individualisée ou par d’autres méthodes souples. Certaines écoles ont développé, pour les handicapés, notamment, un enseignement qui donne satisfaction. Il faut poursuivre dans cette voie. Par ailleurs, il nous paraît indispensable d’améliorer toutes les procédures d’orientation. L’U.N.A.F. redit que l’enfant, comme l’adulte, a le droit à l’erreur. L’orientation doit être continue et pouvoir être remise en cause. En fait, le cursus scolaire doit proposer aux jeunes des parcours non cloisonnés, des contacts avec les entreprises sont dans cette optique particulièrement fructueux. Les séquences éducatives et les stages peuvent apporter des éléments concrets d’information et d’appréciation sur un emploi déterminé. L’enseignement par alternance n’a pas, partout, dans notre système éducatif, la place qu’il devrait avoir, étant donné son rôle positif pour la connaissance du monde du travail et l’insertion des jeunes dans celui-ci. L’avis aurait pu insister davantage sur cet aspect. De même, l’accent n’est pas mis suffisamment sur les enseignements technologiques et techniques. Ceux-ci devraient offrir la possibilité d’entreprendre des études longues après des formations courtes, ce qui rendrait plus aisée l’articulation vers l’enseignement supérieur. Les passerelles devraient se multiplier dans ce sens. Les relations écoles/entreprises – de toute dimension et de tout type d’activité – sont essentielles. Nous y ajouterons un troisième partenaire : les familles. Dans cette optique, à diverses reprises, l’U.N.A.F. a organisé des rencontres entre le système éducatif et le système productif. Ces initiatives ont toujours été bien accueillies de part et d’autre, tant il est vrai que le dialogue qui s’instaure petit à petit entre école et monde professionnel a encore besoin d’intermédiaire. L’avis a pris en compte le rôle essentiel de la famille. La relation famille/école doit fonctionner dans les deux sens. Les associations familiales ont toujours demandé une plus grande ouverture de l’école, mais elles ont conscience qu’à cette ouverture doit répondre une attitude plus objective des familles. Les parents ne doivent pas être tentés de se dessaisir des responsabilités éducatives qui leur incombent pour ensuite reprocher à l’école de ne pas les avoir assumées, ou, au contraire d’avoir empiété sur leurs prérogatives. Les propositions du Conseil économique et social rencontrent globalement l’adhésion de l’U.N.A.F. qui a donc voté l’avis.