Défendre le droit à l’instruction, c’est défendre la laïcité

Je vous apporte le salut fraternel de la Fédération nationale de la Libre Pensée. C’est tout naturellement que notre association vous apporte son soutien dans votre action pour la défense du droit à l’instruction et de tous les savoirs de l’humanité.

 

Fondée à la veille de la Commune de Paris par tout ce que le mouvement républicain et ouvrier comptait de combattants inlassables de la liberté, la Libre Pensée a inscrit dès sa fondation, la lutte pour la laïcité de l’Ecole et de l’Etat. Jules Ferry, Goblet, Ferdinand Buisson, Paul Bert, Aristide Briand, Emile Combes, Victor Hugo, Jean Jaurès, tous furent de grandes figures de notre association.

 

Dès que le peuple brisa ses chaînes, renversant le trône et les autels, il se posa la question fondamentale du droit à l’instruction. Il était le corollaire et le fondement même de toutes les autres libertés et droits proclamés le 26 août 1789.

 

Talleyrand, dans son rapport sur l’instruction publique de septembre 1791 disait alors :  » Les hommes sont déclarés libres, mais l’instruction seule peut maintenir la liberté politique contre toute espèce de despotisme. Même sous la constitution la plus libre, l’homme ignorant est beaucoup trop dépendant de l’homme instruit et une instruction générale, bien distribuée, peut seule empêcher, non pas la supériorité des esprits, qui est nécessaire mais le trop grand empire que cette supériorité donnerait, si l’on condamnait à l’ignorance une classe quelconque de la société. Celui qui ne sait ni lire, ni compter, dépend de tout ce qui l’environne« .

 

Condorcet à son tour dira dans son Mémoire sur l’instruction publique :  » L’inégalité d’instruction est une des principales sources de la tyrannie. Tant qu’il y aura des hommes qui n’obéiront pas à la raison seule, qui recevront leurs opinions d’une opinion étrangère, en vain toutes les chaînes auraient été brisées, en vain ces opinions de commande seraient d’utiles vérités; le genre humain n’en resterait pas moins partagé en deux classes : celle des hommes qui raisonnent, et celle des hommes qui croient, celle des maîtres et celle des esclaves« .

 

L’instruction publique et l’enseignement des savoirs sont indispensables pour construire une humanité meilleure et plus éclairée. L’instruction n’est pas le dernier mot de l’émancipation sociale comme le rappelait Ferdinand Buisson, mais il en est indiscutablement le premier. Il n’est donc guère étonnant que tous les oppresseurs se soient défiés de l’instruction, « ce début d’aisance qui ne doit pas être donné à tout le monde » comme le disait Thiers, le boucher de la Commune.

 

Si l’ignorance ne sert de rien à personne, elle a toujours été le programme commun de tous les totalitarismes. Et l’Eglise en a toujours été l’instrument au compte du maintien de l’oppression sociale. Au moment où Bonaparte signait le concordat, si funeste à la liberté de conscience, il déclarait :  » Comment avoir de l’ordre dans un Etat sans religion ? La société ne peut exister dans un Etat sans religion. La société ne peut exister sans l’inégalité des fortunes, et l’inégalité des fortunes ne peut exister sans la religion. Quand un homme meurt de faim à côté d’un autre qui regorge, il lui est impossible d’accéder à cette différence s’il n’y a pas là une autorité qui lui dise « Dieu le veut ainsi, il faut qu’il y ait des pauvres et des riches dans le monde; mais ensuite et pendant l’éternité le partage sera fait autrement« . En échange de la signature papale, il accordait à l’Eglise le monopole de l’enseignement ou plutôt du non-enseignement, car ce furent principalement les Frères ignorantins qui se chargèrent de l’école.

 

Le publiciste catholique Louis Veuillot résumait bien le problème :  » Quand on n’est pas propriétaire, il faut croire en Dieu pour respecter la propriété« . Ne pensez surtout pas que cela n’est que de l’histoire. C’était et c’est toujours la bonne vieille morale du maintien de l’ordre.

 

Le même gouvernement qui saccage l’enseignement public s’émeut de la disparition du fait religieux à l’Ecole publique. Il aurait pu s’émouvoir des menaces graves qui pèsent sur l’enseignement du grec et du latin, des lettres, de la littérature, de l’histoire et de la géographie. Il aurait pu être inquiet des fermetures de classes, des postes qui manquent, des surveillants inexistants, des classes surchargées. Il aurait pu se pencher sur les lois antilaïques qui organisent le détournement de 38 milliards de francs de fonds publics en 2001 au profit de l’enseignement privé, ce qui représente 200.000 postes (charges sociales comprises) volés à l’Ecole laïque. En bref, tout ce qui détruit l’instruction publique.

 

Mais non, car un spectre hante le ministère de l’Education nationale : la disparition du fait religieux à l’Ecole. Aussi, Jack Lang a missionné un illustre écrivain qui vient de retrouver Dieu et la politique concordataire de Bonaparte au fond de son dernier livre. Sous la plume perçait déjà le goupillon. Et voilà la trouvaille: pour assurer l’ordre et la sécurité dans les banlieues, il faut le retour de la bonne vieille morale. Et la morale sans la religion, pour tous ces gens-là est une vue de l’esprit, mais, bien sûr, pas celle du saint-Esprit en l’occurrence. Pour eux, le décalogue doit remplacer la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.

 

Et dans cette vieille marmite, on fait toujours bouillir le même brouet. En cette année où l’on fête Victor Hugo, on croit entendre à nouveau le discours contre la loi Falloux :  » Ils veulent mettre un jésuite partout où il n’y a pas un gendarme« . Il est vrai qu’avec ce gouvernement, les instituteurs de Loire-Atlantique en savent quelque chose, on a et les gendarmes et les jésuites. Ces ministres qui célèbrent l’exilé de Guernesey ont oublié « qu’ouvrir une école, c’est fermer une prison« .

 

Pour la Fédération nationale de la Libre Pensée, l’émancipation humaine ne peut exister sans l’instruction. Il ne peut y avoir de liberté sans laïcité de l’Ecole et de l’Etat. C’est le sens de notre présence aujourd’hui à vos côtés.

 

Soyez assurés de notre total soutien dans votre action de défense de la civilisation, de ses savoirs et de ses acquis.

Je vous remercie.