Au menu de la rentrée, régime minceur à tous les étages. On danse devant le buffet, on tire le diable par la queue, le temps des vaches maigres n’a plus de fin, il faut faire chabrot à même l’assiette. C’est pas encore la Toussaint et l’école boit déjà le bouillon d’onze heures. La mise en bière est pour bientôt. Requiescat…
Faut dire que pour continuer à supprimer des postes, ils n’y sont pas allés cette fois avec le dos de la cuillère : mis à la sauce de la mastérisation, le nouveau système de recrutement permet de faire des omelettes sans casser les oeufs. Les professeurs sont donc remplacés par des stagiaires sans expérience, à leur tour remplacés par de simples étudiants avec encore moins d’expérience, les TZR sont nommés sur des postes fixes, les maîtres du primaire appelés à enseigner dans le secondaire, etc. On cherche les vieilles recettes pour accommoder les restes, la formation compte pour du beurre et tous ces stagiaires, demi-stagiaires, remplaçants et remplaçants de remplaçants sont sur le grill. C’est le temps des marmitons, celui des casseroliers, le temps des gâte-sauces et des fouille-au-pot. Débordés par leurs élèves, certains sont chocolat : ils ramassent des gamelles, pleurent comme des madeleines, tombent dans les pommes, obtiennent des congés maladie et les sergents-recruteurs du rectorat doivent à nouveau s’embarquer pour la pêche aux remplaçants. D’autres, plus soupe au lait, en ont gros sur la patate, sentent la moutarde leur monter au nez, finissent par claquer la porte et paraphent d’une belle écriture leur lettre de démission. Et voilà qu’il faut encore et encore trouver des produits de substitution, le prof version OGM ou low-cost. Les proviseurs ont du pain sur la planche, ils avalent des poires d’angoisse et numérotent leurs abattis. Et tout ça pour des prunes. Car le vivier s’épuise, le remplaçant devient une espèce en voie de disparition, comme le thon rouge en Méditerranée.
On n’est pas des andouilles, clament de plus en plus d’étudiants : la professionnalisation, c’est de la daube, la mastérisation ne vaut pas tripette. Ils font la fine gueule à la carotte des stages payés, crachent dans la soupe et le nombre de candidats aux concours s’effondre. Il n’y aura bientôt plus rien à se mettre sous la dent et même les inspecteurs de la très sérieuse IGAEN, las de compter pour du beurre et de déglutir des couleuvres tout en tirant les marrons du feu pour le cuistot de Grenelle, se mettent la rate au court-bouillon, en écrivent des tartines et filtrent à la presse un rapport de derrière les fagots où ils ne mâchent pas leurs mots.
Indiscipline, violence, illettrisme, absentéisme, baisse du niveau : je vais régler tout ça en deux coups de cuiller à pot, avait proclamé le sarko-chef en tournée des popotes. Et voilà que je te dégraisse les RASED, te dépèce les ZEP, te gratine les RAR, te barde les CLAIR, te pare les CPES, t’émince les programmes, te charcute les horaires, te réchauffe au micro-ondes une fast-food anorexique pour les petits appétits et te mijote quelques plats du terroir pour ceux qui auraient la dalle : le nouveau lycée sera à la carte ou ne sera pas – libéralisme oblige, celui du laisser-fer dans la plaie. Ne pas oublier, bien sûr, la tarte à la crème des TICE, des ENT et des TBI ni les baladodiffusions et autres visio-machins en guise de cerise sur le gâteau. Et si cela ne suffit pas, on mettra aussi au menu des cantines la suppression des allocs et les policiers référents. Mais cela ne suffira pas. Ni la carotte ni le bâton, ni le lard ni le cochon. Car les choses vont trop mal et depuis trop longtemps. Venant s’ajouter à la super-cure d’amaigrissement budgétaire, ce salmigondis de mesures absurdes, ou rendues inévitables par l’accumulation des absurdités antérieures, ce pot-pourri de bas morceaux, ces quignons de réformes flottant dans le bouillon, ces boulettes accommodées à la sauce mort-née, ne sont pas une solution : autant vouloir tuer un âne à coups de figues.
Et tandis que l’école trinque, les parfumeurs boivent du petit lait, les PDG mettent du beurre dans leurs épinards et les banquiers rigolent tout leur soûl. Quant aux politiques, les yeux fixés sur l’horizon bleu du remaniement et l’horizon rose, à peine plus lointain, des présidentielles, ils n’ont qu’une idée en tête : ne pas rester en carafe, jouer des coudes et bien se placer pour la course à l’échalote. Les raisins de la colère sont dans le pressoir, la coupe est pleine, il y a du boudin à se faire, la cocotte-minute pourrait bien exploser et cramer la baraque.
Santé !
Pedro Cordoba, vice-président et webmestre
Cocorico : Post-scriptum qui n’a (presque) rien à voir
Le Président de la République avait déclaré en juillet 2008 : « Maintenant quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit. »