Une inspection

Cadre général :
Profil de la classe : Cette classe regroupe 27 élèves de CM2. L’équipe pédagogique a fait le choix de regrouper dans cette classe l’ensemble des élèves considérés en difficulté (9 sur 27 – soit un tiers des élèves). Cette option mériterait d’être reconsidérée. Sur cette cohorte d’élèves, 2 sont orientés en SEGPA, 2 autres vers un établissement prenant en charge les élèves souffrant de dyslexie, 2 sont maintenus en cycle 3 (une troisième proposition de maintien a été refusée par la famille).
Aménagement : La disposition des tables est tout à fait classique. Les affichages, qu’ils soient d’ordre didactique (outils pour les élèves, traces des projets menés dans la classe…) ou esthétiques (travaux d’arts plastiques, affichages culturels…) sont quasiment absents : une frise historique du commerce dont les couleurs sont passées, un travail réalisé en arts plastiques, une affiche répertoriant les signes utilisés lors des corrections de la production écrite.

Outils du maître et des élèves
– Le cahier journal est très succinct. Il est complété par divers documents de travail dont des fiches établies par M. R et des programmations, essentiellement dans le domaine de la maîtrise de la langue. L’approche est très classique, très notionnelle, en décalage par rapport aux programmes (exemple de fiche :  » Le complément d’objet peut être une proposition subordonnée complétive »!). D’autre part, les programmes et les documents d’accompagnement différencient très nettement l’enseignement de la littérature (entre 4h30 et 5h30 hebdomadaires) du travail d’observation réfléchie de la langue française (lh30 par semaine). J’invite M. R à se reporter à ces documents.
· Les 4h d’animations pédagogiques utilisées de façon autonome par les équipes pédagogiques ont permis aux enseignants de cette école d’élaborer des programmations de cycle, notamment dans le domaine des sciences et de la technologie. Il ressort de cette concertation que M. R a plus spécialement en charge la technologie et les sciences physiques. Les classeurs des élèves contiennent peu de travaux conduits dans ce domaine alors que nous sommes en dernière période. J’ai cependant pu observer un travail qui paraît pertinent sur les engrenages (doublé de constructions visibles dans la classe). Quant à la démarche à mettre en oeuvre, je renvoie M. R au Plan de Rénovation de l’Enseignement des Sciences et de la Technologie à l’Ecole (PRESTE) – note de service du 08/06/2000 – repris par les programmes 2002.
· Parmi les élèves signalés en difficulté, deux sont considérés  » en grosses difficultés « . M. R. affirme leur apporter une aide spécifique. Je n’ai pas constaté ce matin la mise en œuvre de cette aide ; d’autre part, ces élèves ne bénéficient pas de Projet Personnalisé d’Aide et de Progrès (circulaire du 18 novembre 1998)

Séquences observées :
Lecture orale :
La matinée débute par un rapide échange, suivi d’une phase de lecture orale (activité quotidienne) : 4 élèves lisent à voix haute un extrait du  » voyage de M. PERRICHON  » les autres suivent sur leur feuille.
– Si l’intérêt de la lecture à haute voix par les élèves est rappelé par les programmes 2002, notamment dans le document d’accompagnement  » littérature au cycle 3″, elle n’est pas le seul outil dont dispose le maître. En effet, dans la situation observée ce matin, et qui se répète quotidiennement, seuls les 4 élèves interrogés sont réellement en activité. Je suggère en conséquence à M. R d’intégrer ce dispositif soit au travail sur la littérature de jeunesse (lecture suivie d’échanges sur la compréhension, mais aussi sur l’interprétation), soit à un fonctionnement en ateliers, celui de lecture oralisée (préparée ou non) étant pris en charge par le maître.
Production écrite :
M. R demande ensuite aux élèves d’écrire une scène  » à la manière de « , les situations étant soit proposées par le manuel soit suggérées par le maître. La structure du travail qui leur est demandé est très rapidement esquissée, mais pas formalisée. Une fois établi ce plan de travail, M. R s’assied à son bureau et entreprend la correction de cahiers – aucun rapport avec la tâche demandée aux élèves.
– En production écrite, les élèves sont mis face à leur  » feuille blanche « . Au cours de cette séquence, rien n’est mis en oeuvre pour les enfants qui ne parviennent pas à démarrer.
Au bout de 20 minutes, la moitié des élèves n’ont pas écrit une seule ligne. Commence alors un  » défilé  » au bureau – on comptera par moments entre 8 et 10 élèves qui attendent leur tour. Entre les élèves qui font la queue et ceux qui sont assis à leur place mais qui ne travaillent pas, que de temps perdu !
Au bout d’une heure, plusieurs élèves n’ont pas écrit une seule ligne et n’ont bénéficié d’aucune aide de la part de l’enseignant qui n’a quitté son bureau qu’à deux reprises (9h35 et 9h45) pour de brefs rappels à l’ordre.
Globalement, le temps de travail réel des enfants, que ce soit en lecture ou en production d’écrit est très faible. Le devoir de l’enseignant est de tout mettre en oeuvre pour mettre les élèves en situation de travail et de réussite. La revendication de  » liberté pédagogique  » suppose qu’il y ait réellement  » action pédagogique « .
D’autre part, les programmes 2002 (arrêté du 25 janvier 2002) insistent sur la nécessité de donner du sens aux apprentissages – c’est d’autant plus nécessaire que les élèves sont en difficulté -et l’obligation de travailler la maîtrise de la langue (lecture et écriture) « dans tous les champs disciplinaires « .

Projet d’école :
Les caractéristiques de la population scolaire accueillie à l’école élémentaire de S valent à cette école d’être classée « à besoins spécifiques ». Le profil de la classe de M. R (voir ci-dessus) confirme ces difficultés. La mise en oeuvre d’un projet d’école impliquant l’ensemble de l’équipe pédagogique (loi d’orientation du 10 juillet 1989), mettant prioritairement l’accent sur la prise en compte de la diversité des élèves, en est d’autant plus importante.
Lorsque je l’interroge sur la façon dont ce projet d’école est décliné dans sa classe, M. R refuse de répondre à des questions qu’il juge  » vaseuses « .

Entretien :
L’entretien fait partie intégrante de l’inspection. Il donne normalement lieu à des échanges qui permettent à l’IEN à la fois de rappeler le cadre légal dans lequel doit se dérouler l’activité de l’enseignant (contrôle de conformité) – ce que je n’ai pas manqué de faire – et d’approfondir l’analyse du travail de l’enseignant et le profit que les élèves en retirent (évaluation) – tâche que je n’ai pu mener à bien.
M. R me signifie d’emblée, sur un ton non dénué de sous-entendus, qu’il ne se positionnait pas dans la perspective d’échanges, les dernières inspections l’ayant « refroidi ». Il se déclare cependant prêt à écouter mes remarques,  » se réservant d’y donner suite « .
Respectant son choix, j’ai entrepris de lui faire part de mon analyse tout en souhaitant obtenir certaines précisions qui m’auraient permis d’affiner celle-ci. M. R a multiplié les esquives, feignant de ne pas comprendre mes questions, et les refus d’y répondre.
Puis il a choisi de mettre très rapidement fin à cet entretien, s’estimant victime de je ne sais quel  » procès de Moscou  » et me signifiant que  » ce n’est pas la peine de revenir !  » Cette attitude, que je regrette, ne m’a pas permis de cerner les aspects positifs du travail de M . R.


 

S.. le 6 juillet 2004

R…
Instituteur adjoint
Ecole élémentaire publique
S…

Objet : réponse à mon rapport d’inspection en date du 28 mai 2004

Dans son rapport M. l’IEN affirme que j’ai esquivé ses questions, refusant d’y répondre sous le prétexte que j’aurais jugé celles-ci “ vaseuses ”. Dans son rapport M. l’IEN omet de préciser dans quelles conditions il a abordé l’entretien, conditions indispensables pour comprendre ma réaction.

La première question que M. l’IEN m’a posée a été la suivante : “ Comment considérez-vous avoir exercé votre métier d’enseignant durant la séance qui vient de se dérouler ? ”. Ne voyant pas où voulait en venir M. l’IEN par une question aussi générale, j’ai répondu que je ne la comprenais pas. Il me l’a alors reposée dans les mêmes termes, ce qui a conduit à une réponse identique de ma part.

C’est seulement dans la suite de l’entretien que j’ai enfin compris le sens que M. l’IEN donnait à cette question : il mettait très directement en cause ma capacité à exercer mon métier d’enseignant. Je n’ai certes pas la prétention d’être un enseignant irréprochable sur le plan pédagogique, car nous exerçons un métier où notre action demeure indéfiniment perfectible, mais prétendre d’emblée que je ne fais pas mon travail est indigne et insultant.

Les questions qui ont suivi, après quelques questions pertinentes sur le profil de la classe auxquelles j’ai répondu, étaient tirées d’un document préparatoire que m’avait fait parvenir M. l’IEN et auquel je n’avais pas répondu. Je jugeais en effet ces questions (“ Comment mettez-vous en œuvre le projet d’école ?” “ Comment le déclinez-vous dans le cadre de votre projet de classe ? ”) d’une généralité telle qu’elles ne peuvent conduire qu’à une non réponse, ou une déclaration de soumission à un discours conformiste général (le travail quotidien dans la classe, les progrès réalisés par les élèves dans les connaissances déclinées en termes de compétences dans les programmes nationaux, ne suffisent-ils pas à justifier le travail accompli ?). Imaginerait-on un seul instant un gendarme, garant du respect des règles de sécurité routière, nous arrêtant sur le bord de la route, non pas pour nous signifier l’éventuel non respect d’une règle, mais pour nous demander en quoi notre comportement au volant a montré notre respect du code de la route !

C’est pourquoi, de la même façon que j’avais choisi de ne pas répondre aux questions préparatoires à cette inspection (à ma connaissance aucun texte n’impose aux enseignants de se soumettre à une telle obligation), j’ai refusé d’y répondre au moment de l’entretien, en demandant à M. l’IEN de préciser s’il entendait vérifier le sérieux de mon travail ou s’il venait contrôler ma soumission à une pédagogie “ officielle ” et en signifiant que je ne répondrai qu’à des questions concernant mon travail.

Constatant mon refus de répondre, M. l’IEN est alors entré dans une rage contenue, en ces termes : “ Puisque vous voulez qu’on aborde les questions concernant votre travail, eh bien on va le faire ! ”. M. l’IEN a alors déversé un flot de reproches destinés à démontrer que j’étais un mauvais enseignant.
J’espérais de cet entretien un échange serein pendant lequel j’aurais pu justifier auprès de M. l’IEN les raisons de mes choix pédagogiques, présenter les nombreux autres documents de travail que j’utilise, en contrepartie de conseils, remarques destinées à améliorer ma pratique. Il n’en a rien été. Je me suis donc vu contraint d’y mettre un terme de façon prématurée, l’entretien n’étant devenu qu’un échange tendu et contradictoire de propos généraux sur l’éducation.

Ayant précisé les conditions de l’entretien, je souhaite également formuler des commentaires sur le contenu du rapport rédigé par M. l’IEN, et sur les conclusions qu’il tire.

Comme lors d’un précédent rapport d’inspection me concernant, le contenu recouvre deux aspects situés à des niveaux forts différents : des remarques d’ordre pédagogiques, et un point de vue partisan sur les finalités de l’école.

Voici mes commentaires concernant les remarques de M. l’IEN sur les aspects pédagogiques de mon travail.

-“ Les affichages, qu’ils soient d’ordre didactique (outils pour les élèves, traces des projets menés dans la classe…) ou esthétiques (travaux d’arts plastiques, affichages culturels…) sont quasiment absents : une frise historique du commerce dont les couleurs sont passées, un travail réalisé en arts plastiques, une affiche répertoriant les signes utilisés lors des corrections de la production écrite. ”

M. l’IEN semble considérer que l’affichage est un moyen essentiel de mettre à disposition des élèves les outils didactiques. Or les enseignants de l’école de S ont mis en place, sur l’ensemble du cycle 3, un carnet aide-mémoire, complété tout au long du cycle, et à disposition permanente des élèves, aussi bien à la maison qu’à l’école. Cet outil est par ailleurs connu et reconnu par les enseignants du collège qui ont pu en prendre connaissance lors de réunions de concertation et liaison CM2-6ème, et l’ont jugé utiles y compris pour le collège. Par ailleurs des élèves de CM2 doivent être formés à l’autonomie dans l’utilisation d’outils didactiques divers ; ils en disposent ainsi de plusieurs dans la bibliothèque de classe, accessibles à tout moment. A l’inverse rendre des élèves de CM2 dépendant d’outils sous forme d’affiches contribuerait à les démunir pour le collège.

En ce qui concerne les affichages esthétiques, M. l’IEN semble ne pas avoir vu les nombreux panneaux jalonnant le couloir et sur lesquels sont présentés de très nombreux travaux d’élèves.

M. l’IEN semble discréditer le fait que la frise historique affichée soit du commerce. Suppose-t-il que seule une frise élaborée par les enfants eux mêmes présente quelque intérêt ? Je ne partage pas ce point de vue, un document propre, clair, lisible et esthétiquement irréprochable étant à mes yeux beaucoup plus efficace. Ceci ne signifie pas que mon enseignement n’accorde aucune part à l’acquisition par les élèves des notions chronologiques en Histoire : ainsi, si M. l’IEN avait plus scrupuleusement examiné les classeurs des élèves, il y aurait vu une frise historique complétée par ceux-ci au fur et à mesure de la progression.

– “ Il ressort de cette concertation que M. R a plus spécialement en charge la technologie et les sciences physiques. Les classeurs des élèves contiennent peu de travaux conduits dans ce domaine alors que nous sommes en dernière période. J’ai cependant pu observer un travail qui paraît pertinent sur les engrenages (doublé de constructions visibles dans la classe).”

M. l’IEN considère que les classeurs des élèves contiennent trop peu de travaux. Je ne sais ce qu’est le seuil significatif à ses yeux : les classeurs comportent 8 pages au format 21×29,7 de synthèses des expériences accomplies. Cela me semble tout à fait acceptable pour un enseignement des sciences et de la technologie privilégiant l’expérimentation et l’observation, ce qui suppose de laisser aux élèves le temps d’expérimenter et d’observer. Par ailleurs les élèves disposent de nombreuses fiches de mise en place d’expériences qui ne sont effectivement pas rangées dans le classeur. J’y remédierai donc.

– “ Parmi les élèves signalés en difficulté, deux sont considérés “ en grosses difficultés ”. M. R affirme leur apporter une aide spécifique. Je n’ai pas constaté ce matin la mise en œuvre de cette aide ; d’autre part, ces élèves ne bénéficient pas de Projet Personnalisé d’Aide et de Progrès (circulaire du 18 novembre 1998). ”

Deux élèves de la classe seront orientés en SEGPA l’an prochain. Ce sont des élèves dont les capacités intellectuelles auraient pu leur permettre de bénéficier d’une scolarisation en classe de perfectionnement ou en CLIS, si ces structures existaient encore pour l’une ou étaient en nombre suffisant pour l’autre, ce qui leur aurait permis un suivi personnalisé beaucoup plus poussé grâce à une effectif allégé (15 élèves maximum). Les enseignants se trouvent dans une situation où ils sont contraints de pallier les diminutions des moyens accordés aux enfants en difficulté, et il devient dès lors aisé de les mettre en cause en dédouanant l’institution de sa responsabilité.
En ce qui concerne les 2 élèves dont il est question, le fait qu’un document administratif tel le PPAP n’ait pas été rédigé ne signifie pas que ces enfants ne bénéficient pas dans les faits d’un parcours individualisé. Et M. l’IEN ne peut être en mesure d’évaluer en une heure de présence en classe le travail de toute une année.

J’essaie en effet d’intégrer autant que possible ces 2 enfants aux activités de la classe, car les isoler en permanence des activités des autres élèves serait la pire des solutions. Je décide souvent au dernier moment, en fonction des difficultés qu’ils rencontrent, de modifier le programme de travail (des fiches d’activités progressives en mathématiques et français sont à leur disposition et leur sont proposées lorsque nécessaire). M. l’IEN n’ignore d’ailleurs pas que ces élèves ont un profil particulier qui fait que des progressions linéaires préétablies dans un document administratif seraient ineptes. On constate fréquemment des régressions et ce qui semble acquis un jour peut être à reconsidérer un autre jour.

– “ Si l’intérêt de la lecture à haute voix par les élèves est rappelé par les programmes 2002, notamment dans le document d’accompagnement “littérature au cycle 3”, elle n’est pas le seul outil dont dispose le maître. En effet, dans la situation observée ce matin, et qui se répète quotidiennement, seuls les 4 élèves interrogés sont réellement en activité. Je suggère en conséquence à M. R d’intégrer ce dispositif soit au travail sur la littérature de jeunesse (lecture suivie d’échanges sur la compréhension, mais aussi sur l’interprétation), soit à un fonctionnement en ateliers, celui de lecture oralisée (préparée ou non) étant pris en charge par le maître. ”

M. l’IEN reproche à l’activité de lecture orale de ne permettre qu’à 4 élèves d’être actifs. Les autres élèves qui suivent la lecture sur leur document ( ce qui leur permet de s’assurer que la lecture qu’ils en font est bien conforme à ce qui est écrit) seraient donc inactifs et n’en tireraient aucun bénéfice.
Les nouveaux programmes pour le cycle 3, page 87, précisent que “ L’enseignant peut lire le texte à haute voix ”. Si l’on suit la logique de M. l’IEN, cette suggestion des programmes serait une ineptie, puisque dans ce cas seul l’enseignant serait “ actif ” ! Que M. l’IEN m’explique ce paradoxe.

Par ailleurs l’organisation en ateliers avec la présence du maître sur un seul d’entre eux, comme le suggère M. l’IEN, ne garantit pas que les autres élèves soient davantage actifs.

– “ M. R demande ensuite aux élèves d’écrire une scène “ à la manière de ”, les situations étant soit proposées par le manuel soit suggérées par le maître. La structure du travail qui leur est demandé est très rapidement esquissée, mais pas formalisée. Une fois établi ce plan de travail, M. R s’assied à son bureau et entreprend la correction de cahiers – aucun rapport avec la tâche demandée aux élèves. ”

M. l’IEN prétend que la structure de travail est très rapidement esquissée et non formalisée. J’affirme que M. l’IEN est de mauvaise foi. Le travail sur le texte de théâtre est un travail qui s’étend sur trois semaines. Une séquence d’expression écrite y avait déjà été consacrée la semaine précédente, ce que M. l’IEN ne pouvait manquer de voir dans les programmations auxquelles il fait référence par ailleurs dans son rapport ainsi que dans le cahier journal (“ Etude de la structure, de la construction de la présentation d’un texte de théâtre ”). Les consignes données lors de cette séance renvoyaient donc à des éléments connus. Plusieurs situations été proposées, soit au tableau, soit sur le livre de français. Tout ceci a pris 10 à 15 min, ce qui est idéal, des formalisations trop longues n’aboutissant qu’à un défaut d’attention. Ensuite les élèves étaient sollicités pour des questions éventuelles. Enfin ils étaient invités à venir me voir au bout de 10 min maximum s’ils étaient en difficulté.

Lorsque M. l’IEN affirme que la moitié des élèves n’a rien écrit au bout de 20 min, c’est une affirmation gratuite. Le résultat primant, je l’informe que, même si certains élèves ont dû mettre plus de temps que d’autres, tous les élèves, y compris les élèves les plus en difficulté, ont produit un texte répondant aux consignes, car le travail d’enseignement s’inscrit dans la continuité et ce qui n’est pas réussi dans l’immédiat le sera dans le temps pour peu que l’enseignant face preuve de la rigueur nécessaire dans l’organisation de son travail et qu’il ne considère pas le lendemain le travail de la veille comme systématiquement clos.

Il n’y a rien d’exceptionnel à ce que parfois quelques élèves éprouvent des difficultés face à une feuille blanche (même les plus grands écrivains connaissent cette “ angoisse ” de la page blanche), et la vertu de l’école est de leur offrir la possibilité d’inscrire leurs efforts dans la durée pour peu que l’enseignant veuille bien le leur permettre, en dehors de tout obligation de “ rentabilité ” immédiate dans leur production, cette dernière vision appartenant au monde économique et non au monde de la culture. Mais quelle satisfaction pour l’élève lorsqu’il réussit à surmonter sa difficulté en produisant un texte qui pourra éventuellement faire l’objet d’une publication sur l’ensemble de l’école, sous la forme d’un livret, comme cela se fera cette année à partir des contes produits par les élèves de la classe lors de précédentes séances d’expression écrite.

Par ailleurs il est inexact d’affirmer que les élèves n’ont bénéficié d’aucune aide ; la relation établie avec mes élèves est basée sur une confiance réciproque qui leur permet de venir solliciter sans hésiter mon aide en toutes circonstances lorsqu’ils en ont besoin, ce que M. l’IEN a pu constater en voyant défiler beaucoup d’entre eux à mon bureau. Le fait que je me déplace pour répondre à ces demandes d’aide ne garantit pas qu’il y ait moins de temps perdu : si j’avais circulé entre les tables, répondant aux élèves qui lèvent le doigt, comme il ne m’est possible de répondre qu’à un élève à la fois, les autres n’auraient pas davantage travaillé ; ils seraient restés à leur place en levant le doigt.

M. l’IEN considère que la correction des cahiers des élèves pendant la classe est inacceptable. Je considère en ce qui me concerne qu’il est inacceptable que l’on puisse considérer la correction de cahiers comme une tâche secondaire ; j’affirme même que c’est la tâche dans laquelle s’exprime toute la rigueur de l’enseignement : comment un élève peut-il considérer que le travail qu’il exécute a de l’importance, si le maître ne le manifeste pas par des corrections immédiates et scrupuleuses ? Ce qui aurait été grave, c’est que je refuse de répondre aux élèves qui me sollicitaient au prétexte que je corrigeais des cahiers, ce qui n’a pas été le cas comme a pu le constater M. l’IEN. De plus, corriger les cahiers d’élèves sur un travail ne correspondant pas à la tâche immédiatement proposée, ne relèverait donc pas d’une tâche d’enseignement ? Comment M. l’IEN peut-il dissocier à ce point les tâches d’enseignement ? Je corrigeais les cahiers de devoirs des élèves auxquels je propose chaque soir de travailler l’orthographe de quelques mots d’usage courant de l’échelle Dubois-Buyse donnés la veille. Je contrôle périodiquement l’efficacité de ce travail par des dictées de mots le vendredi, jour où M. l’IEN s’est présenté dans ma classe. Mon évaluation n’étant pas une sanction mais un moyen d’apprentissage, je me devais de corriger immédiatement ces cahiers afin de signaler leurs erreurs aux élèves qui en auraient commises avant ce contrôle, la journée de classe étant de plus réduite compte tenu de l’inspection.

Enfin M. l’IEN met clairement en cause mon travail en considérant qu’il ne constitue pas une action pédagogique. C’est indigne. L’action pédagogique d’un enseignant se démontre par les résultats obtenus par les élèves et par rien d’autre. M. l’IEN confond action et agitation ; être en situation de travail c’est travailler et non montrer que l’on travaille. Un élève de CM2 peut rester 10 min ou plus sans écrire parce qu’il se livre à un effort de réflexion. Si l’on voulait s’assurer que tout élève produise quelque chose immédiatement et sans temps mort, il ne faudrait proposer que des activités ne nécessitant aucun effort intellectuel, et les élèves n’apprendraient rien. Là il n’y aurait pas action pédagogique.

Lorsque M. l’IEN écrit “ L’approche est très classique, très notionnelle, en décalage par rapport aux programmes (exemple de fiche : “ Le complément d’objet peut être une proposition subordonnée complétive”!) ”, il développe un point de vue personnel et partisan sur les finalités de l’école, qu’il entend m’imposer. Lorsqu’il affirme que mon approche notionnelle est en décalage par rapport aux programmes, il sous-entend que ceux-ci interdiraient la transmission des connaissances, ce que confirme le point d’exclamation à la fin de son exemple, signifiant par là qu’il s’agirait d’une hérésie. Je lui laisse la responsabilité de son analyse et interprétation des nouveaux programmes. Ces derniers renvoient à des compétences précises, telles que “ manipuler les différents types de compléments des verbes les plus fréquents ”, “ manipuler les différentes expansions du nom (adjectifs qualificatifs, relatives, compléments du nom) ” par exemple, qui ne peuvent être acquises sans un travail notionnel.
Par ailleurs, la position de M. l’IEN sur cette question est elle-même en décalage par rapport à ce qu’a fait apparaître le grand débat sur l’école organisé au printemps 2003, puisque l’une des 4 grandes lignes de force concernant les missions de l’Ecole fait apparaître que “ La mission première de l’Ecole est d’instruire pour former des citoyens libres. La transmission des connaissances et de la culture est, de façon incontestée, considérée comme essentielle. ” (page 34 du rapport de la commission du débat national sur l’avenir de l’Ecole).

En conclusion, je constate que l’élève, censé être au centre du système éducatif depuis la loi d’orientation de 1989, est absent de cette inspection ; M. l’IEN ne s’est préoccupé que de la conformité de l’enseignant à des méthodes pédagogiques qu’il considère comme exclusives, et aucunement à la cohérence des méthodes choisies par l’enseignant et aux bénéfices qu’en tirent les élèves : comment les progrès effectués par ces derniers sont-ils évalués, quels sont leurs résultats à ces évaluations, quels sont les résultats obtenus dans le cadre des évaluations nationales, les compétences définies pas les programmes nationaux sont-elles atteintes par ceux-ci…

M. l’IEN parsème son rapport de rappels à la loi que je ne respecterais pas selon lui. Il me reproche notamment de ne pas mettre en application les nouveaux programmes de 2002. Or en vertu de l’arrêté fixant les programmes d’enseignement primaire en son article 2, ceux-ci ne sont applicables en troisième année du cycle des apprentissages qu’à la rentrée 2004 !

Le gel de ma note pédagogique ne reflète pas la réalité de l’efficacité du travail entrepris auprès des élèves, et n’est qu’un moyen coercitif infantilisant de tenter de m’imposer des méthodes auxquelles je ne souscris pas.

“ Le maître n’est pas un simple exécutant. A travers la relation pédagogique et affective qu’il établit avec l’élève, toujours originale, toujours singulière, le maître est à sa manière un créateur. ”
Introduction du ministre de l’Education nationale, préface des nouveaux programmes de l’école élémentaire, page 13.

“ S’adapter sous l’Occupation, c’était collaborer avec l’occupant, et cela n’excluait ni les variantes ni les initiatives. Mais exister, c’est résister. L’homme libre, c’est l’homme qui ne marche pas, qui se refuse à emboîter le pas. Sans ce pouvoir de refus qui juge toutes les adaptations, évolutions ou innovations, il est absolument impossible de penser l’école et de lui donner un sens. ”
Jacques Muglioni, ancien inspecteur général de philosophie, doyen de l’inspection générale de philosophie de 1971 à 1983.

 


INSPECTION ACADEMIQUE DE …
Division des écoles

L’Inspecteur d’Académie,
Directeur des Services Départementaux
de l’Education Nationale de …

VU la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n°84.16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, notamment en son chapitre VIII – Articles 66 et 67 ;
VU le décret n°84.961 du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat ;
VU le procès-verbal en date du 15 septembre 2004 constatant que l’intéressé s’est présenté à la convocation ayant pour objet la consultation de son dossier ;

Considérant que Monsieur P.R., par son comportement inacceptable lors de l’entretien suivant l’inspection du 28 mai 2004 ;
Considérant que Monsieur P.R. a tenu des propos inacceptables dans sa lettre du 6 juillet 2004, notamment dans le dernier paragraphe de cette dernière.

ARRETE

ARTICLE 1 : La sanction du blâme est infligée à Monsieur R., instituteur à l’école élémentaire de S..

ARTICLE 2 : le Secrétaire Général de l’Inspection académique de … est chargée de l’exécution du présent arrêté.

Fait à R.., le 17 septembre 2004

Les voies et délais de recours figurent au verso du présent arrêté.